Forum internet : échanges en liberté

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Les forums récemment créés sur africultures.com rencontrent un franc succès. On y trouve des voix multiples, célèbres ou non, dont on trouvera ici de courts passages. Nous publierons régulièrement des extraits, notamment sur les thèmes des prochains dossiers, pour que nos lecteurs puissent joindre leur voix à notre réflexion.

En guise de réponse à nos petits-enfants
(…) Et voilà soudain : dans cette dimension folle de notre Ecriture surgit soudain une question, une seule que dans ses multiples voix, notre temps aura bien posée : la question de son Humanité, mieux, la question de l’Humain. Et ceci, il faut bien le souligner, car qu’est-ce qui aura agité sinon le cri des jeunes du Mali, de la journaliste du Nigeria, de la femme du Bénin ? Qu’est-ce qui au Cameroun, aura fait aller le journaliste en prison et qui en Côte d’Ivoire aura fait se dresser la foule ? C’est bien la question pleine, classique, vieille et vieillie même pour tous ceux qui pensent, mais éternelle pourtant pour tous ceux qui ont encore du sang dans leurs veines : la question de l’Humain. Nous dirions donc à nos petits-enfants, historiens de nos idées : voyez donc d’abord les rues, voyez les universités, voyez les foyers, lisez les journaux, regardez les caricatures, écoutez les voix, surfez dans les archives du net. Par convenance, lisez peut-être un poète, mais ne croyez jamais qu’il est représentatif de quoi que ce soit, car il n’aura jamais pu qu’exprimer sa propre singularité ; lisez-le avec la conscience qu’il n’aura pas été le seul à parler dans son temps, même s’il aura écrit, même s’il aura été publié. Lisez-le toujours avec la conscience que sa voix n’aura été qu’une voix parmi un bourdonnement de voix, même si elle aura été coagulée dans du papier. Lisez-le en sachant que lui aussi, comme bien d’autres aura crié dans le vide.
(…) Qui suis-je ? Ajoutons et précisons : suis vraiment un être humain ? Il est de ce fait erroné de croire qu’un écrivain qui aujourd’hui parle, publie d’Afrique, fonde un certain intimisme en littérature, comme le laisse croire une critique qui ne sait plus lire le présent qu’avec les yeux du passé (Lilyan Kesteloot : ‘Tendances contemporaines de la poésie Africaine, in : Notre librairie, n° 137). Non, il se fonde en Je, ce Je qui aura avec son époque crié partout pour faire entendre sa voix, et secoué bien des arbres. (…)
Patrice Nganang
écrivain camerounais
Fespaco : lettre ouverte au journal Le Monde
Je viens de lire avec un grand choc le compte rendu du Fespaco intitulé « Le douloureux enfantement d’un nouveau cinéma africain » par Thomas Sotinel, dans lequel il traite la programmation de Faat Kine de Sembene Ousmane d' »une espèce de suicide cinématographique public, un film de cinéma qui se conforme a toutes les règles de l’esthétique télévisuelle bon marché. » Je trouve grossière cette qualification du film du doyen du cinéma africain et de surcroît, un des cinéastes les plus respectables du monde. (…)
(…) Le moins qu’on puisse attendre d’un journaliste est de démontrer qu’il maîtrise les données et qu’il a compris le film avant d’émettre son jugement. (…) Les spectateurs ont adoré le film, et l’ont montré par des applaudissements tout au long du récit. (…) M. Sotinel, dans sa précipitation pour faire saigner un géant, a affiché un mépris total pour ces spectateurs africains. (…) Faat Kine a sans doute ses défauts. Mais les spectateurs de Ouagadougou ont démontré la place importante que le cinéma de Sembene continue d’occuper en Afrique et dans le monde. Alas, en lisant l’article de Mr. Sotinel on a pas l’impression qu’il était à Ouagadougou, au Fespaco, avec nous.
Manthia Diawara
directeur des Etudes Africaines a l’Université de New York
L’Afrique mal nommée
(lettre au Figaro suite à la critique de l’exposition lilloise « l’Afrique à jour »)
(…) Mal nommer, c’est encore accorder un nom, même faux. Et c’est en soi un progrès à saluer comme il se devrait. En effet, est-il loin, est-il passé, le temps où des voyageurs, jouisseurs hâtifs et précoces, des intellectuels aussi honorables que vous-même, extorquaient des œuvres par vols, par rapts, sans prendre le temps de noter les noms des artistes ? Les œuvres s’en trouvèrent anonymées à jamais sur cette scène dite internationale. Je ne sais pourquoi, mais ce mécanisme d’oubli du nom me renvoie inexorablement aux sourires racoleurs de ces belles de nuits tropicales que le touriste ou le voyageur en mission consomme. Les noms, il se dépêche de les oublier. Restent seulement enfouis, dans les replis de la mémoire, leurs sourires de masque.
(…) Vous nous expliquerez peut-être, pourquoi un artiste, parce qu’il serait africain, n’aurait pas le droit d’user de jus d’écorces, de bouts de ficelles, de pigments tropicaux ? Suffirait-il de toucher à ces matériaux, lorsqu’on est Africain, pour faire exotique ? L’exotisme procède aussi de la position haute et droite du regard sûr de son bon droit qui déshabille et fige, qui s’en remet à son imaginaire se dispensant de voir et de comprendre.
(…) La prochaine fois que vous passerez par Abidjan ou Dakar, mon conseil reste le même : Ouvrez l’œil ! Vous retrouverez des galeries d’art ouvertes depuis au moins 1990 et qui refusent de fermer tant que vous ne leur ferez pas l’honneur d’une petite visite. Ils vous attendent pour qu’enfin, grâce à vous, l’Afrique noire cesse de mal partir.
Yacouba Konaté
co-commissaire de l’exposition L’Afrique à Jour
professeur à l’Université d’Abidjan-Cocody.
Parlons vrai
(message aux membres de RAP 21 à l’occasion de le Journée Mondiale de la Liberté de la Presse 2001)
(…) La répression politique est désormais plus vicieuse et donc difficile à prouver aux yeux de l’opinion que l’on prenait jusque là à témoin ; la menace économique est plus évidente dans le contexte de récession que connaissent la plupart de nos pays ; conséquence de ces deux phénomènes, la clochardisation de la profession expose les journalistes à toutes sortes de tentations qui ont fini par entamer sa crédibilité. (…) Il se passe dans notre métier des choses qui lui ont enlevé sa grandeur d’antan ; et nous devons oeuvrer à lui restituer ses lettres de noblesse. Notre propre survie en dépend. Surtout si nous admettons que le linceul d¹un journaliste honnête n’a pas besoin de poche.
Pius Njawe, journaliste camerounais
http://www.wan-press.org/3may/

///Article N° : 1946

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