Evénement : la première rencontre internationale de capoeira lancée par l’association internationale BATUK et le Grupo Africa de Capoeira de l’Ile de Gorée sous le parrainage des ministres de la Culture du Brésil et du Sénégal.
Dans les parcs, sur les places et à la plage, au rythme du bérimbau et au milieu d’un cercle humain, deux capoeiristes sont en train d’échanger des coups lors d’un combat dansé. Ce genre de spectacle est de plus en plus courant dans les villes africaines car la capoeira se répand en Afrique de l’Ouest. Les jeunes se passionnent pour ce sport de combat, venu du Brésil, qui allie la danse et la lutte. Depuis dix ans, plusieurs groupes de capoeira se sont créés dans les grandes villes de cette sous-région, telles qu’Abidjan, Conakry, et Dakar. Pour rendre le monde de la capoeira plus sensible à la croissance fulgurante de la capoeira en Afrique de l’Ouest, le Grupo Africa do Capoeira, en partenariat avec l’association socioculturelle Batuk, a proposé en juin 2005 la première rencontre internationale de capoeira sur l’île de Gorée (Sénégal). Cet événement s’inscrit dans le cadre de l’Internationale de la Capoeira lancée par Gilberto Gil, le Ministre brésilien de la Culture.
La capoeira a fait sa première apparition au Sénégal en 1966 lors du Premier Festival Mondial des Arts Nègres. Le grand Maître Pastinha et son jeune protégé, Maître João Grande, avaient dirigé la délégation de capoeiristes de Bahia invitée au festival pour présenter la capoeira Angola au public. Cependant, il a fallu attendre jusqu’en 1998, et la venue du Maître Boa-Vida à Dakar pour une série d’ateliers, pour que la capoeira s’implante définitivement au Sénégal. Les initiés de Boa-Vida ont formé à Dakar le Grupo Africa do Capoeira. D’une poignée d’adeptes, le Grupo Africa s’est transformé en une organisation solide, composée d’une quarantaine de membres.
La rencontre internationale de capoeira a eu lieu sur l’île de Gorée au large de Dakar. C’est dans cet endroit magique situé à quatre kilomètres de la côte ouest du continent que le Grupo Africa s’entraîne chaque dimanche après-midi. Loin de l’agitation de la vie dakaroise, Gorée possède l’ambiance décontractée et intime d’un village. L’île figure sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO grâce à son architecture coloniale qui reflète le métissage culturel de son passé, aussi bien que sa richesse en tant qu’ancien centre de commerce maritime. Ancien port négrier, l’île de Gorée est aussi un lieu de mémoire pour la diaspora noire.
L’événement qui a duré neuf jours, a rassemblé des capoeiristes venant d’Angola, de Burkina Faso, de Guinée, de Guinée-Bissau, de la Côte d’Ivoire, de la France et des Etats-Unis. Originaires du Brésil et du Cap Vert, les Maîtres renommés de la capoeira Angola, Maître Boa-Vida (Rio), Maître Casquinha (Rio), Maître Lua Rasta (Salvador), Maître Neco (Rio), aussi bien que Maître Xexéu (São Vincente), ont travaillé ensemble dans le but de former une nouvelle génération de capoeiristes africains. Ils ont proposé une série de cours intensifs et de rodas. Mais leur contribution ne s’est pas limitée à un enseignement technique. Les maîtres ont aussi expliqué la manière dont la philosophie de la capoeira angola s’exprime à travers sa musique et ses rituels.
Selon eux, la capoeira porte toujours les marques de la violence de son histoire. Un art de résistance né au sein de la plantation brésilienne, la capoeira a grandi dans la rue parmi les bandits et les exclus. Elle est parvenue à maturité en 1934 quand l’interdiction de sa pratique a été levée par les autorités brésiliennes. Par la suite, elle est devenue un sport majeur, voire national, au Brésil.
Le voyage à Gorée pour apporter la capoeira à la terre de ses racines a suscité beaucoup d’émotions chez les Maîtres. D’après eux, c’est le rêve de tout angoleiro de se rendre en Afrique, origine des traditions culturelles qui, après avoir traversé l’Atlantique, ont nourri les arts et religions syncrétiques du Brésil.
Après quelques jours de stage, le groupe a quitté Gorée pour se rendre à Toubab Dialaw à l’Ecole des Sables de Germaine Acogny pour une journée d’échanges autour de la capoeira et la danse africaine. Rassemblés pour explorer les affinités entre la capoeira et la danse traditionnelle, les capoeiristes et les danseurs ont partagé ensemble un moment fort où chacun a fait découvrir à l’autre son art respectif. Rentré à Dakar, le groupe s’est rendu à l’Ecole Franco-Sénégalaise (Fann et Dakar Plateau), ainsi qu’aux Cours Sainte Marie de Hann pour présenter aux élèves une ronde de capoeira Angola afin de mettre les maîtres en contact avec les jeunes capoeiristes de Dakar.
Les organisateurs de la rencontre, Marcia De Oliveira de Batuk, et Mactar Ndiaye du Grupo Africa, ont regroupé des capoeiristes africains, brésiliens et européens pour débattre du développement de la capoeira en Afrique de l’Ouest. Batuk et le Grupo Africa travaillent ensemble pour assurer son développement en particulier au Sénégal. En plus de faire de Dakar un pôle de la capoeira, ils souhaiteraient diffuser la capoeira dans le Sénégal tout entier. La rencontre a marqué le début du grand projet qui se déroulera sur 18 mois. L’initiative « Sénégal en Capoeira, » lancée par les deux associations, cherche à démocratiser la capoeira au Sénégal par l’intermédiaire de ses capitales régionales, telles que Saint-Louis et Zinguinchor.
Quant à elle, l’association Batuk a profité de la rencontre pour promouvoir son objectif principal : le renforcement des relations Sud-Sud. Les membres de Batuk veulent améliorer la communication et la coopération entre les nations du Sud, particulièrement entre l’Afrique et l’Amérique du Sud. Pour atteindre ce but, ils souhaitent reconsidérer les liens entre les participants du commerce instauré au temps de l’esclavage. La capoeira est un exemple de mouvement des peuples et des cultures mis en marche par le commerce triangulaire. Par le biais de la capoeira, la rencontre a pu attirer l’attention sur ce qu’un rapprochement avec la diaspora africaine, particulièrement celle du Brésil, pourrait apporter à l’Afrique.
En faisant revenir Maître Boa-Vida avec certains de ses proches collègues, le Grupo Africa et Batuk ont affirmé leur soutien à la capoeira, aussi bien que leur croyance en son avenir sur le continent africain. L’événement a créé un réseau de capoeiristes au Sénégal, et à travers l’ensemble de la sous-région. Stimulés par cette expérience, beaucoup de ses participants sont repartis avec la résolution d’organiser une rencontre similaire dans leur propre pays. Le succès de la rencontre montre que la capoeira a le potentiel de captiver l’Afrique de l’Ouest. Il est évident que le monde de la capoeira suivra désormais avec attention les progrès de la capoeira en Afrique.
Pour se renseigner sur le Grupo Africa do Capoeira, voir le site
http://membres.lycos.fr/africacapoeira
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Pour en savoir plus sur Batuk, écrivez à [email protected]///Article N° : 3913