Née à Cotonou il y a 22 ans, d’un père béninois et d’une mère bulgare, Iliana Bamisso a remporté le prix coup de cur du concours Jeunes Stylistes lors de la dernière édition du Festival international de la mode africaine à Niamey, en novembre dernier. Bustiers en écorce d’arbre, combinaisons fluides et sexy en soie et python ses créations métissées ne manquent pas d’audace. Rencontre avec cette jeune créatrice, d’un naturel plutôt timide, mais qui sait créer le buzz
Vous avez remporté le prix Coup de Coeur du concours Jeunes Stylistes du dernier Festival international de la Mode Africaine (Fima), à Niamey, au Niger. Que représente ce prix à vos yeux ?
C’est une chance ! Cette expérience m’a permis de faire connaître mes créations et d’échanger avec des stylistes africains de renom comme Imane Ayissi ou Alphadi lui-même (1). Ce prix m’a ouvert des portes comme le Salon Beauty Color à Paris, dédié à la beauté noire et métissée où j’ai présenté ma collection en décembre dernier. Mais avant de lancer ma marque, je compte d’abord obtenir mon diplôme « Mode, luxe et art de vivre », en 2012, au sein de l’École Mod’Art International où je suis un cursus à Paris.
Parlez-nous de votre inspiration et de vos collections
Mon inspiration peut venir d’une broderie, de la peinture, des courbes d’une architecture
Dans ma collection Voodoo Child, je rends hommage à mon Bénin natal où la religion vaudou est très pratiquée. J’ai retravaillé les costumes de danse traditionnels avec de la soie, du tapa (écorce d’arbre), du python, dans des teintes naturelles beiges et orangées. Je crée aussi des accessoires, comme des chaussures à plateforme sans talon pour une allure « animale ». Le python, je l’achète en France, faute d’autorisations pour en importer d’Afrique. Le tapa, l’écorce d’arbre que j’associe à de la soie, provient du Cameroun.
Comment travaillez-vous au quotidien ? Quels sont vos soutiens financiers ?
Je travaille chez moi, seule, avec ma petite machine à coudre familiale. Je fais tout moi-même : recherches, croquis, plans de collection sur informatique, pages d’ambiance, fiches techniques et gammes de couleurs. Après, l’étape la plus difficile c’est la recherche des matières, surtout pour le python, rarement disponible au naturel. Et au jour le jour, ce sont mes deux parents qui me soutiennent financièrement pour l’école, le matériel, l’achat des matières… Malgré de nombreux défilés de mode en Afrique, les créateurs du continent souffrent d’un manque de visibilité au plan international, pour quelle raison, selon vous ? Lorsqu’on parle de mode africaine, par exemple dans mon école, on pense tout de suite aux clichés des grandes coiffes, des calebasses
Avec des stars comme Beyoncé qui portent de plus en plus des tissus africains, les mentalités évoluent. Mais c’est à nous et aux organisateurs de défilés panafricains de montrer autre chose, de moins extravagant, de plus contemporain, conforme aux standards internationaux de la mode, pour ne pas tomber dans cette caricature.
Comment comptez-vous développer votre création pour arriver à en faire un business rentable ?
Les professionnels me placent dans la haute couture ou le costume de scène. J’aimerais donc créer une ligne prêt-à-porter créateur et accessoires, qui pourrait se vendre en France, et la décliner avec des matières moins onéreuses pour le marché africain. À Cotonou, des jeunes filles portent des cuissardes quand il fait 24 degrés dehors ! Il y a donc un réel besoin de travailler des modèles adaptés au climat, aux goûts africains, avec des matières comme du pagne ou du batik. Mon étude de marché est en cours. J’espère créer bientôt un réseau d’échanges entre artisans du Bénin, du Niger et de France.
Article également paru dans Afriscope n° 24, janvier-février 2012///Article N° : 10599