Un jour ça ira, de Stan et Édouard Zambeaux

Les migrants ont du talent

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En sortie le 14 février 2017 dans les salles françaises, ce documentaire sans prétention de Stan Zambeaux et Édouard Zambeaux est bouleversant. Il nous invite subtilement à inverser notre regard sur les migrants.

Et si on retournait le regard ? Non pas nous sur les migrants mais les migrants sur eux-mêmes et sur nous. Parqués dans des centres d’accueil, leurs talents sont occultés. Ce sont pourtant ainsi qu’ils pourraient trouver leur place dans notre société. C’est encore plus vrai des jeunes. Ballotés par l’exil, leur maturité est extrême, leur sensibilité exacerbée.

La bonne idée de ce documentaire est de s’attacher à deux ados de 13 ans, Djibi et Ange. Djibi vit avec sa mère et Ange avec son père. Ils sont notre porte d’entrée dans l’Archipel, un centre d’accueil en plein Paris géré par l’association Aurore, dans le 8ème arrondissement, aménagé dans d’anciens bâtiments administratifs. Deux parmi 73 enfants hébergés et un bon nombre de familles entassées dans les bureaux sommairement reconvertis. Tout y est collectif : les repas, les activités, la promiscuité, le bruit.

Voilà qu’un atelier d’écriture et un atelier chant sont proposés dans le cadre d’une ZEP (zone d’expression prioritaire) qui associe des journalistes et des jeunes. Poésies et chansons : Djibi et Ange, Mouna et les autres se racontent, dans leur vécu dramatique, dans leurs envies et leurs rêves, dans leur tension vers un logement et la stabilité. Ils écrivent des textes déchirants, d’une impressionnante intensité. Des séances d’écriture au spectacle musical réunissant tout le centre, l’émotion surgit, tant ces jeunes trouvent des mots simples pour dire leur complexité, celle des invisibles, des déplacés.

Finalement publiés dans le quotidien Libération, leurs textes représentent cette souffrance collective et cet espoir partagé. Mais ils restent leurs mots propres, ceux qu’ils ont choisis. « Avec les enfants, on s’est créé un petit monde. Je me demande parfois si ça vaudrait pas mieux un monde d’enfants », note Djibi. Il se définit comme « serial déménageur », ajoutant : « la lourdeur des valises contraste avec la légèreté de ma vie. On espère un nouveau départ mais on revient à la case départ. Je transporte ma vie en valises, mais comme c’est lourd de déménager, j’ai appris à vivre léger ! »

On n’oublie pas les poésies de Djibi, pas plus qu’on n’oublie Ange et sa chanson. Ils ne sont pas des « petits riches qui ont tout mais se plaignent beaucoup ». Ce sont des enfants-valises, titre d’un documentaire de Xavier de Lauzanne (2013) sur les classes spéciales d’enfants migrants en apprentissage du français. Djibi et Ange, eux, dominent très bien la langue : ils sont en France depuis longtemps. Toujours en attente de logement, évoluant entre les centres d’hébergement d’urgence qui viennent en aide aux personnes en situation d’exclusion.

De l’Archipel, nous ne sortirons pas de ses couloirs et de quelques salles, à l’image de ses habitants coincés dans leur précarité. Et puis finalement, les valises encore mais aussi l’incertitude sur le prochain lieu d’accueil : le centre doit quitter ses locaux. Un déménagement collectif est envisagé mais il est impossible de planifier quoi que ce soit lorsque la pression migratoire bouleverse les données. Il faudra retrouver les voies du courage, reconstruire le partage, retrouver la création, casser la dépendance, poursuivre la solidarité.

Alliance de deux frères engagés, l’un cinéaste l’autre journaliste, Un jour ça ira au titre pétri d’espoir est bourré de l’énergie spontanée des jeunes. C’est l’anti journal télévisé. A ne pas rater.

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