Kariuki a 13 ans et vit dans un village du Kenya à l’époque de la révolte des Mau-Mau contre la domination coloniale britannique. Il se lie d’amitié avec Nigel, 11 ans, venu d’Angleterre passer ses vacances chez le colon, son grand-père. La pêche et la chasse deviennent pour Nigel et Kariuki de vraies aventures. Mais un jour, lors d’une chasse, le petit homme blanc disparaît
Passionnant de bout en bout, Kariuki est un récit à la première personne du jeune Noir sur ses aventures avec un jeune Blanc. Il constitue un magistral exemple de livre que peuvent s’approprier les jeunes Africains sans se trouver dévalorisés et qui intéressera les jeunes Occidentaux par le regard extérieur qu’il leur propose.
Extrait :
L’obscurité était tombée lorsque nous traversâmes le dernier bout de la forêt qui nous séparait de la rivière Nanyuki. Nigel était raide de peur. Il se cognait sans arrêt à moi car il voulait rester aussi près que possible. Et moi, je ne cessais de me cogner aux arbres. J’avais déjà eu l’occasion de m’apercevoir que je ne voyais pas bien dans le noir.
« J’ai peur, dit Nigel.
– Tiens-moi par la main », lui dis-je.
Après avoir saisi sa main dans la mienne, je lui dis :
« Maintenant, tu peux me conduire et je te suivrai. Je ne peux pas voir dans le noir.
– Mais moi non plus.
-Tu as un problème aux yeux ?
– Mais non !
– Mais alors, pourquoi est-ce que tu ne peux pas voir dans le noir ?
– Il y a des chats qui peuvent voir dans le noir, dit-il. Et les chiens et les hibous.
– Mais alors, pourquoi tes yeux sont-ils si bleus ? Comme ceux des chats.
– Je ne sais pas, dit-il. Il y a des gens qui ont les yeux bleus, d’autres verts, marrons ou même noirs, comme les tiens.
– Mais Monsieur Ruin peut voir dans le noir, dis-je.
– Mais non, il ne peut pas, dit Nigel. Ses yeux sont comme les miens. »
Quelle grande révélation !
Nous continuâmes d’avancer en trébuchant.
« Et est-ce qu’il peut voir ce qu’on est en train de penser ? demandai-je.
– Non.
-Au village, ils disent qu’on peut voir dans ta tête, et qu’il y devine ce que tu penses.
– C’est idiot, dit Nigel. Personne ne peut faire ça.
– Mais il peut voir dans ton cur ? demandai-je. Et savoir quand tu es en train de mentir ?
– Pas du tout, dit Nigel. C’est un homme comme les autres. »
Une révélation encore plus grande !
Je brûlais d’arriver au village et de pouvoir transmettre cette nouvelle. Je savais qu’ils ne me croiraient jamais mais je ne pouvais plus attendre le moment de leur révéler tout cela
Kariuki, aventures avec le petit homme blanc, de Meja Mwangi (Kenya), traduit de l’anglais par Olivier Barlet, illustrations : Lucienne Serain, L’Harmattan jeunesse, 1992, 144 p., 60 FF.
Grand prix du livre de jeunesse allemand 1992.
Prix Lire au collège 1993.///Article N° : 1057