La caricature à l’honneur

Print Friendly, PDF & Email

La caricature occupe une place de choix dans l’univers médiatique camerounais. Malgré les difficultés de leur profession, les caricaturistes sont souvent considérés comme des démiurges.

Lorsqu’en 1974 Cameroon Tribune paraît pour la première fois, le caricaturiste Tita’a fait partie de l’équipe rédactionnelle. C’est lui qui aura la charge d’illustrer quelques articles de ce journal, des dessins simples, noirs, rien à voir avec le style léger et empreint de délicatesse d’un Lemana Louis Marie qui lui succède trois ans plus tard. Ce dernier laissera sa place, une dizaine d’années après à Jean Florent Goawé (Go’away) dont le ton espiègle et le trait plus raffiné impressionneront les lecteurs.
Ce sont ces trois personnages qui ont posé les jalons du dessin de presse au Cameroun, dans un contexte monolithique, tous au service d’un média d’Etat où les exigences éditorialistes ne laissaient pas libre cours à une véritable satire des institutions ou de la vie publique. Néanmoins, ils se sont attachés, ainsi que le disait un auteur contemporain,  » à déchiffrer la société, à démontrer les véritables ressorts du fait divers, souvent avec l’humilité des chercheurs en sciences humaines et toujours avec les exigences d’observateurs de terrain « . Au moment de la libéralisation de la presse, ils seront rejoints par une pléthore de caricaturistes.
La libéralisation de la presse : un nouveau contexte
Bien avant 1992, un autre organe de presse s’est fait remarquer aux côtés de Cameroon Tribune. C’était Le Combattant, journal privé au ton plutôt libertaire où JP Kengne et Nyemb Paul se chargeront de la caricature. Suivra une floraison de journaux privés qui mettront en évidence des dessinateurs plus ou moins pétris de talent à l’instar de Gaby, Abou, Achille Nzoda, El Pacho, Almo, Jaimes, etc… Mais c’est Le Messager Popoli qui apparaît comme la vitrine du journal satirique au Cameroun. Sous la houlette de Nyemb Paul, le Popoli rassemble aujourd’hui l’essentiel des caricaturistes du pays, suivi de près par L’Expression de Mamy Wata. Les autres journaux emploient ce qui reste de dessinateurs. Tous semblent s’opposer, par leur ton et leurs  » coups de griffe « , à leurs prédécesseurs de Cameroon Tribune. Ici règne en maître la critique acerbe des institutions, des gouvernants, du politique. Gloire aux images osées, aux idées espiègles, au désir d’affirmation de la fougue juvénile… L’inspiration rime avec liberté.
Souvent assimilés à des journalistes, parfois considérés comme de simples auxiliaires de presse, les caricaturistes camerounais souffrent en réalité de l’absence de statut pour leur corps. La difficulté réside déjà dans la définition des critères qui font de telle ou telle personne un caricaturiste, vu l’absence d’écoles ou d’instituts de formation. Le caricaturiste camerounais est-il celui qui a l’art de déformer les traits ou simplement dessinateur exerçant dans un organe de presse ?
Les jeunes dessinateurs de presse du Cameroun, très souvent guidés par des nécessités d’ordre matériel et bien que nantis d’un certain talent, n’ont pas toujours fait de brillantes études, ce qui leur pose des problèmes de compréhension ou de lecture de certains sujets d’actualité. Conséquence : des dessins qui plient sous le poids d’un texte ou d’une légende approximative. Face à cet état de choses, certains caricaturistes ont tenté de s’organiser en association pour relever leur profession
Coup d’Crayon et Fescary : des rencontres tous horizons
Il y a cinq ans, une dizaine de dessinateurs de presse, sous la houlette de Nyemb Paul, se sont regroupés au sein de l’association Coup d’Crayon. Objectif : créer un cadre de rencontre et d’échanges non seulement entre les caricaturistes du pays, mais aussi avec ceux d’Afrique ou d’ailleurs. En outre, le but plus ou moins avoué de cette corporation de dessinateurs était de reconnaître et de définir ceux qui devaient mériter la qualité de caricaturiste. Plusieurs  » conventions  » ont été organisées, regroupant essentiellement les grands noms de la caricature que compte le pays (Popoli, Retin, Jaimes, Abou, El Pacho, Almo, Achille Nzod…), avec des invités ou des conférenciers de renommée internationale à l’instar de Paul Russel des USA, président de l’Association internationale des dessinateurs de presse, de Joël Pett, grand prix Pulitzer, ou de Mrs Eddings, secrétaire générale du Freedom Forum basé en Afrique du Sud. Au cours de ces  » conventions « , les caricaturistes sont régulièrement édifiés sur leurs droits et obligations, sur l’importance de leur rôle tant au sein des rédactions que dans la société toute entière. Elles ont ainsi permis de jeter les bases d’une collaboration franche entre les dessinateurs de presse de tous les horizons, laquelle devait s’affermir avec l’organisation annuelle des festivals de la caricature.
En effet, un groupe de communicateurs, réunis sous la bannière de l’association Irondel, organise tous les ans, et ce depuis 1999 des festivals de caricature à Yaoundé. Reprenant à son compte l’essentiel des motivations du groupe Coup d’Crayon, Irondel programme de véritables forums de caricatures où participent non seulement les caricaturistes camerounais et étrangers, mais aussi de jeunes artistes dessinateurs et parfois même de simples sympathisants. L’expérience s’avère intéressante car, au-delà du côté pratique de ces rencontres, l’ampleur des échanges entre caricaturistes venus d’horizons divers révèle l’engouement de la jeunesse camerounaise vis-à-vis de ce genre journalistique.
A l’issue du Fescary 2000, le célèbre caricaturiste français Plantu du journal Le Monde déclarait :  » J’étais venu pour leur apprendre le métier, mais je me rends plutôt compte que j’ai beaucoup appris.  » Bien avant lui, Wolinsky de Paris Match et plus récemment Tignous de Marianne, le Canadien Paul Roux et Wilhem ont reconnu l’originalité de la démarche des caricaturistes camerounais.
Caricature et nouvelles technologies
Pour ce qui concerne les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les caricaturistes camerounais sont à la traîne. Peu d’entre eux sont formés à l’outil informatique ou possèdent un ordinateur. Ici, crayon et gomme ou papier bon marché sont la règle. Conséquence : les artistes demeurent étrangers à tout ce qui concerne ou concourt à la production des dessins animés pour la télévision nationale par exemple.
A noter qu’officiellement, il n’existe aucun site permettant d’obtenir des informations relatives à la caricature au Cameroun. Irondel ne dispose que d’éléments ponctuels sur la tenue des divers festivals et l’association Coup d’Crayon ne fournit pas à l’internaute les informations concernant ses membres, ses structures, son fonctionnement.
La caricature est une réalité bien vivace au Cameroun. Malgré leurs conditions de travail rudimentaires et une rémunération des plus déplorables pour la plupart, les caricaturistes camerounais se battent pour sortir de l’ornière, pour se faire une place honorable dans l’univers des médias.

Plus connu au Cameroun sous le pseudonyme Retin, Augustin Ndjoa est caricaturiste au quotidien Cameroon Tribune. Né en 1967 dans la région du Mbam, il est titulaire d’une licence en droit public et d’un DEUG en Art plastique et histoire de l’art. Il obtient en 1989 l’Epi D’or des Arts plastique décerné par le ministère de l’Information et de la Culture. En 2001 et 2002, les Cameroon Press Awards lui ont décerné le trophée du Meilleur caricaturiste camerounais
///Article N° : 3534

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire