Jacques Fournier, Directeur de la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en -Yvelines, nous parle des activités de la Maison qu’il dirige depuis 2002, des passerelles entre la poésie et les autres arts et de la place de la poésie dans le monde aujourd’hui.
Africultures : Pourriez-vous nous dire quelques mots concernant votre propre parcours ?
Jacques Fournier : J’ai été instituteur pendant plus de vingt ans, avant de prendre la direction de cette Maison de la Poésie il y a treize ans, à sa création.
Quels types de projets défend la Maison de la Poésie de Saint Quentin en Yvelines depuis sa création ?
Avant cela, rendons à César ce qui lui appartient : la Maison de la Poésie de SQY a été créée à l’initiative de Roland Nadaus, alors maire de Guyancourt, une des 7 communes composant Saint-Quentin-en-Yvelines. Il m’a confié la direction de ce lieu sur la présentation d’un projet que je maintiens : la défense et l’illustration (pour reprendre une « formule » célèbre) de la poésie auprès du public le plus large possible, en utilisant tous les « outils » imaginables : lectures, rencontres, spectacles, formations, animations, expositions
, en initiant de nombreux partenariats, tout en maintenant un niveau d’exigence élevé, ce qui ne signifie nullement le choix d’une poésie pour initiés et pour une élite. Mais il faudrait mettre « poésie » au pluriel, le principe étant pour moi de ne défendre aucune chapelle d’écriture. Il s’agit donc de montrer la poésie dans ses multiples aspects, très souvent en lien avec d’autres arts : musique, bien sûr, mais aussi peinture, dessin, gravure, le jeu des comédiens, etc. Il est vrai que nous travaillons beaucoup dans cet esprit de croisement, de passerelle entre les arts. C’est aussi pour nous un moyen de faire venir à la poésie des publics qui s’intéressent prioritairement à d’autres moyens d’expression.
Qu’est-ce que la poésie représente pour vous ?
Tout. Ou presque.je vis en poésie depuis près de quarante ans, au quotidien. J’en ai fait mon métier, pour permettre aux poètes de vivre et de faire connaître leur uvre, leur parcours, leur vie. C’est plus qu’un métier c’est une passion. La poésie a un rôle à jouer dans l’éducation, cela va de soi. Quand j’étais instituteur, ma priorité était d’apporter une autre manière de traiter la poésie que par la simple récitation dans les nombreuses classes dont j’ai eu la charge. Avec la Maison de la Poésie, nous initions de nombreux projets qui permettent chaque année à des centaines d’élèves, de la maternelle à l’université, d’entrer en contact avec la poésie et un poète dans leur parcours scolaire.
Vous avez institué, également, un festival de poésie (PoésYvelines) et deux prix de poésie ?
Oui, et festival et prix sont liés. Cela se fait depuis 2004 avec le soutien financier du Conseil général des Yvelines. Cela nous permet de diffuser largement au-delà des limites de Saint-Quentin-en-Yvelines dans tout le département. Le festival en tant que tel (10 jours en octobre) est une « vitrine », nécessaire d’une quinzaine de lectures-rencontres. Mais au-delà de ce temps fort, nous uvrons toute l’année pour que des poètes et la poésie soient présents auprès de divers publics en montant des projets au long terme avec des collèges et des écoles, bien sûr, mais aussi avec des bibliothèques, des établissements pénitentiaires, La poésie a sa place partout. Quant aux deux prix, l’un est un prix « général », remis par un jury adulte, l’autre est remis par des collégiens sur une sélection de 4 recueils. 475 élèves de 18 collèges constituent le jury de cette année.
La Maison de la Poésie est-elle ouverte à la diversité ?
La mission prioritaire de la Maison de la Poésie est la poésie de langue française telle qu’elle s’écrit et se dit à travers le monde. Nous avons déjà accueilli nombre de poètes de tous les continents. Chacun des 14 numéros de notre revue semestrielle Ici & Là (maintenant arrêtée) contenait un dossier consacré à ces poésies trop peu connues chez nous : Acadie, Antilles, Afrique noire, Tunisie, etc. Quand on relève qu’aucun poète de langue française non français n’est sélectionné dans les listes d’ouvrages recommandés au collège par l’Éducation nationale, on se dit qu’il y a encore du travail à faire pour que ces écritures-là trouvent leur place. Un grand pas a été fait ces dernières années pour le roman grâce à la visibilité de grands prix littéraires. Il reste à faire de même pour la poésie.
Avons-nous besoin de poésie aujourd’hui, au moment où règne la violence partout dans le monde ?
Le monde a toujours été violent. L’histoire le prouve. Je pense sincèrement que l’homme n’est pas naturellement bon. Je crois naïvement que la culture, dans toutes ses composantes, et prioritairement la poésie, est le meilleur moyen d’éviter le marasme de l’humanité dans l’abomination, le fanatisme, l’intolérance. C’est le fondement de mon engagement pour la poésie. Si elle propose une vision du monde, elle est aussi la garante d’une humanité attentive et altruiste. C’est le sens que je donne au fameux « Je est un autre » d’Arthur Rimbaud.
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