Asma Guénifi est présidente de Ni putes ni soumises, mouvement créé en 2003 après le meurtre de Sohane Benziane, brûlée vive par son petit ami. Pour elle, si les femmes des quartiers ont les mêmes revendications que les autres, elles n’obtiennent pas les mêmes réponses.
Le mouvement Ni putes ni soumises est né en 2003. En 10 ans, le combat féministe a-t-il changé ?
L’association est née de la volonté de défendre la situation des femmes de quartier. Nous avons réussi à rompre la loi du silence. L’association a permis aux jeunes filles de dénoncer les violences dans les quartiers où les caïds géraient la vie et le corps des femmes.
Quelles sont vos priorités actuellement ?
La priorité demeure les quartiers populaires. Ce n’est pas parce que nous avons obtenu des avancées que les problèmes n’existent plus. Le mariage forcé, les violences et les viols continuent. Par ailleurs, la précarité des femmes, notamment des femmes seules, nous inquiète. Avec la crise, elles n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois.
Le combat des femmes dans les quartiers populaires est-il différent qu’ailleurs ?
Je ne pense pas que le combat des femmes dans les quartiers populaires diffère de celui des autres femmes. Parmi les femmes de quartier on compte Françoise, Fatima, Aminata, etc.. C’est ça la France ! Les femmes des quartiers demandent la même chose que les autres femmes. Simplement, nous n’obtenons pas les mêmes réponses. En banlieue, il n’y a pas de réels moyens.
Comment réagissez-vous à la création d’un ministère des Droits des femmes ?
Cela faisait partie de nos revendications. Si nous nous félicitons de la prise en compte de beaucoup de revendications par ce gouvernement, nous en attendons toujours l’application concrète. Nous n’avons aucune aide financière pour continuer à lutter contre les violences faites aux femmes et mettre en place des permanences d’accueil.
Le mouvement a été critiqué pour participer à la stigmatisation des hommes des quartiers. En avez-vous tenu compte ?
Je n’étais pas du tout d’accord avec cette accusation. Dans les années 1960, les premières féministes françaises ont dénoncé le machisme et le patriarcat. Personne n’a estimé qu’elles stigmatisaient l’homme français. Par contre, lorsque des femmes des quartiers sortent pour dénoncer une réalité, elles stigmatisent. En 2002, nous n’avons pas attaqué l’agresseur de Sohane parce qu’il avait un nom d’origine maghrébine. Premièrement, c’est un Français ! Pour moi, la stigmatisation est là. Lorsque l’on pense que l’Autre n’est pas français et que c’est parce qu’il est d’origine étrangère qu’il a commis ce crime.
Comment vous positionnez-vous par rapport à d’autres mouvements féministes comme Osez le féminisme (OLF) ?
Chacun a sa vision du féminisme qui dépend de sa position dans la société. Personnellement, j’aurais préféré qu’OLF nous soutienne dans notre combat pour abandonner l’exigence du certificat de coutume [1] pour une étrangère se mariant en France plutôt que de se battre sur l’utilisation du terme « mademoiselle ».
Asma Guénifi en 5 dates
1975 Naissance à Constantine en Algérie / 2000 Diplômée de psychologie clinicienne de l’Université de Paris 8 / 2003 Rejoint le mouvement Ni putes ni soumises / 2008 Création de l’association Femmes euro-méditerranéennes contre les intégrismes (AFEMCI) / 2011 Publication de Je ne pardonne pas aux assassins de mon frère (Eds. Riveneuve).///Article N° : 12572