Ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem est également porte-parole du gouvernement français. Parmi ses objectifs : la déconstruction des clichés à l’origine des inégalités hommes-femmes. Interview [1]
La création d’un ministère des Droits des femmes a suscité certaines critiques. Comment peut-il lutter contre les mécanismes entretenant les inégalités hommes- femmes ?
Le retour d’un ministère des Droits des femmes a surtout suscité beaucoup d’espoirs et d’attentes. De fait, de nombreuses choses ont changé en six mois. Il s’agit de rééquilibrer un ordre établi très inégalitaire. Ce que je souhaite avant tout, c’est de l’efficacité. Pour y parvenir, un gouvernement paritaire totalement mobilisé sur l’égalité femmes-hommes, et un ministère de plein exercice pour mettre en oeuvre les réformes, et affirmer une volonté politique forte sont des atouts qui ont cruellement fait défaut par le passé.
Est-il possible dans le cadre d’une institution de retranscrire la multiplicité des combats féministes ?
Bien sûr. Je travaille chaque jour avec les associations féministes, qui représentent en effet une large diversité de sensibilités.
Le féminisme dans les quartiers a été accusé de stigmatiser les hommes, notamment ceux issus de l’immigration. Aux discriminations de genre s’ajoutent celles de classe et de race. Comment lutter contre ces discriminations croisées ?
Pour ma part, je ne crois pas que cette accusation soit fondée. Il est vrai, en revanche, que certains responsables politiques ont voulu instrumentaliser les droits des femmes pour stigmatiser une religion, une culture, une communauté de citoyens. La République ne doit rien concéder aux extrêmes, qu’ils soient religieux ou politiques.
Un de vos objectifs est la déconstruction des clichés. Les quartiers populaires présentent- ils des spécificités de ce point de vue ?
Les habitants des quartiers populaires sont victimes d’un certain nombre de stéréotypes et donc d’inégalités de traitement, du fait de leur lieu de domiciliation. Le sexisme est bien sûr présent. Mais à mon sens, il n’y a pas de spécificité sur ce sujet. Les mécanismes, souvent invisibles, qui aboutissent à des inégalités de comportements entre les femmes et les hommes sont les mêmes qu’ailleurs. En revanche, il est vrai que ces quartiers concentrent des difficultés, notamment sociales, qui peuvent rendre plus compliqué qu’ailleurs la situation des jeunes filles. Je trouve donc légitime et nécessaire que des moyens prioritaires soient déployés dans l’éducation, la culture, ou le secteur associatif. Il faut que, dans ce cadre républicain, la question de l’égalité entre les femmes et les hommes soit mieux prise en compte.
Pourquoi inclure les droits des lesbiennes, gay, be et trans (LGBT) dans votre champ d’action ? Quel est pour vous le lien entre les droits des femmes et les droits des LGBT ?
Le lien, c’est l’égalité républicaine entre tous les citoyens, sans distinction de sexe, de genre ou d’orientation sexuelle.
Une politique tournée vers les garçons
« On ne pourra traiter de l’égalité hommes-femmes que lorsqu’on s’intéressera aussi aux hommes. Il faut qu’on propose un autre devenir aux jeunes garçons que le chômage ou le décrochage scolaire. Car ils sont plus sujets à cela que les jeunes filles. Il s’agit de s’intéresser au devenir des garçons et non pas seulement sous le prisme des comportements sexistes. Pourquoi et comment décrochent-ils ? C’est une problématique républicaine. » Naïma Charaï
Naïma Charaï est présidente de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances. Elle est par ailleurs conseillère régionale d’Aquitaine déléguée à l’égalité femmes-hommes et à la lutte contre les discriminations.///Article N° : 12571