Reprenant l’esthétique qui a fait la réputation du Ki-Yi M’Bock, Bomou Mamadou a monté La Queue du Diable de Were-Were Liking en mêlant aux comédiens des marionnettes géantes qui affichent clairement la marque de fabrique.
La pièce s’articule autour d’un procès en sorcellerie. Une femme, N’Gonga, est accusée par son mari, N’Guidjol, d’avoir » mangé » ses six enfants. La pièce, qui repose sur une structure dramaturgique plus cinématographique que théâtrale, joue sur trois flash-back qui emportent le spectateur dans le passé des personnages, loin du tribunal où se déroule le procès. Les scènes alternent entre le procès et la projection des témoignages que font les personnages qui viennent à la barre. On assiste ainsi aux métamorphoses de N’Gonga selon qu’elle raconte elle-même sa version des faits ou qu’elle est vue par son mari, ou encore le Meneur de rites.
La scénographie s’appuie sur un espace double. Une espèce de grand castelet en fond de scène accueille l’espace du tribunal. Juge, procureur et avocat y sont de grandes marionnettes articulées, tandis que, les personnages qui viennent témoigner à la barre sont des comédiens. A l’avant-scène en revanche, se joue comme la visualisation des souvenirs dont viennent témoigner les personnages. Le spectacle oscille entre la réalité du tribunal » surthéâtralisée » par le castelet et les marionnettes, et la subjectivité des souvenirs joués dans un style réaliste, parfois presque boulevardier.
Cependant la réussite de ce genre de dispositif repose sur l’harmonie des transitions et la qualité des effets de liant, et c’est précisément à cet endroit que patine le spectacle. L’espèce de grosse chenille humaine dont on ne sait ce qu’elle représente et qui permet surtout par un jeu de cache de faire apparaître les acteurs qui joueront la scène, ralentit le rythme et fait retomber la magie. L’ensemble manque de simplicité et de pétillant. Lumières bleues et effets tromboscopiques n’apportent rien à l’évocation de la mort et surcharge l’ambiance d’une théâtralité démonstrative qui artificialise le sujet et confine au Grand-Guignol. Quant aux animaux allégoriques que sont les hyènes et les hiboux dans la pièce de Were-Were Liking et qui représententnt la sorcellerie qui rôde et hante une société déboussolée, ils n’ont malheureusement ici rien d’inquiétant, et font plus penser à de grosses peluches qu’à des harpies.
Aussi, en dépit de la monstruosité même de l’affaire où se mêlent crimes, incestes et adultères, on ne retient que la caricature et la méchanceté tournée en ridicule d’un couple digne des farces du moyen âge. Le lyrisme annoncé est passé à la trappe et le tragique s’est envolé.
La Queue du diable
de Were-Were Liking
mise en scène : Bomou Mamadou
» Drame lyrique pour une tragédie »
par le Groupe Ki-Yi M’Bock
avec Adrienne Koutouan, Michel Gohou, Bomou Mamadou, Niamba Bacome, Honakamy Tapé, Boni Gnaoré, Ozoua Balé///Article N° : 815