La Renaissance de Harlem : le rayonnement de la culture « black »

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Les années 20 ont généré l’une des plus belles pages de l’histoire de la communauté africaine-américaine : la « Renaissance de Harlem ». Une période de floraison durant laquelle les arts, la culture et la littérature « black » ont atteint des sommets jusque-là inégalés, qui conférèrent alors à Harlem le statut de « capitale mondiale de la culture noire ».

Dans l’imaginaire mondial, Harlem est associé à la communauté africaine-américaine. Ce quartier situé au nord de l’île de Manhattan ne fut pourtant pas de tout temps un quartier noir. Jusqu’en 1900, les Africains-Américains de New York vivent concentrés au sud de Manhattan, du côté Ouest de la 53ème rue, dans un secteur dénommé Black Bohemia. A l’époque quartier blanc, Harlem leur est interdit. Mais l’afflux d’émigrants noirs en provenance des Etats du Sud, à la recherche de moins de discriminations raciales et de plus d’opportunités au Nord, impose aux Africains-Américains la nécessité de trouver de nouveaux espaces. Par le fait d’un événement fortuit, une occasion se présente à Harlem, du côté Ouest de la 133ème rue. Les appartements d’un immeuble se vident de leurs habitants à la suite du meurtre de l’un d’entre eux. Parvenant difficilement à avoir de nouveaux locataires, le propriétaire de l’immeuble s’offre les services d’un agent immobilier africain-américain, qui trouve des congénères prêts, dans ce contexte de crise du logement, à mettre le prix. La brèche ainsi ouverte, des businessmen africains-américains investissent dans l’immobilier à Harlem, achètent des terrains et des immeubles. Ayant essayé, en vain, de mettre fin à ce qu’elle considère comme une « invasion » noire, la communauté blanche déserte progressivement le quartier. Les Africains-Américains s’emparent progressivement de ce secteur de Manhattan, qui devient un terreau fertile, propice à la germination de leurs valeurs culturelles.
Entre 1911 et 1922, les grandes églises, les associations et la plupart des organisations socio-politiques noires ont pignon sur rue à Harlem. Les journaux tels que Amsterdam News, Age et The Negro World y installent leurs rédactions. Journalistes, musiciens, acteurs, hommes de spectacles, écrivains, avocats, médecins, prédicateurs, hommes d’affaire etc. s’y installent pour y vivre et y travailler. Au cœur du bouillonnement intellectuel animé par ces Africain-Américains éduqués et cultivés qui vont générer la « Renaissance de Harlem » se trouvent une organisation et un homme : la NAACP, Association Nationale pour la Promotion des Gens de couleur, (1) et W.E.B Du Bois. Né en 1868, Du Bois est le premier Africain-Américain à obtenir un doctorat de la célèbre université de Harvard (1896). Entouré d’écrivains avant-gardistes comme Countee Cullen, Langston Hughes, Claude McKay et Zora Neale Hurston, Du Bois va inspirer les jeunes artistes, écrivains et acteurs africains-américains en insistant sur les notions telles que la fierté d’être noir, le succès et la réalisation de soi. Membre fondateur de la NAACP, créée en 1910, dont il est l’un des leaders charismatiques, et éditeur du magazine mensuel Crisis, Du Bois sera plus tard considéré comme le plus grand intellectuel africain-américain du siècle et comme le premier militant des droits civiques à revendiquer la pleine et entière citoyenneté pour les « gens de couleur ».
Harlem est progressivement gagné par un foisonnement artistique et littéraire. En 1922, Claude McKay publie son recueil de nouvelles Harlem Shadow, premier ouvrage significatif de la Renaissance. Un an plus tard, les poèmes de Countee Cullen, qualifié de star de la Renaissance de Harlem, paraissent dans quatre publications de la communauté blanche. La même année, Bessie Smith enregistre « Downheatead blues » et « Gulf Coast blues » et s’impose comme la plus célèbre chanteuse de blues dans l’ensemble des Etats Unis. Duke Ellington débarque à New York avec son orchestre, The Washingtonians, pour y intégrer la scène jazz. Quant à Louis Armstrong, il va rejoindre l’orchestre de Fletcher Henderson, dont les prestations au célèbre Roseland Ballroom en feront l’orchestre le plus populaire de New York. Le Cotton Club, le plus vaste et le plus célèbre cabaret de Harlem, ouvre ses portes. Joséphine Baker fait son apparition à Broadway dans le spectacle Chocolate Dandies. Les événements culturels s’enchaînent à un rythme effréné et Harlem devient le centre de New York, saisie par une sorte de Harlemania. Ce mot entre en vigueur dans le sud de Manhattan, chez la communauté blanche, qui aime faire des virées à Harlem pour savourer les plaisirs de spectacles de tous genres. En ces années 20, Harlem acquiert le statut de capitale mondiale de la culture noire.
La Renaissance de Harlem, qui connaîtra son déclin avec la crise économique mondiale de 1929, a été marquée de moments de foi, d’espérance et d’enthousiasme collectifs au sein de la communauté noire. Jamais auparavant les Africains-Américains n’avaient ressenti aussi fort la satisfaction d’avoir fécondé la culture américaine de leur génie créateur. Depuis lors, ils sont habités par un double sentiment de fierté et de nostalgie.

1. National Association for the Advancement of Colored PeopleLe patrimoine historique et culturel black est pérennisé et célébré par le Centre Schomburg pour la recherche sur la culture black (The Schomburg Center for Research in Black Culture). Créé à l’époque de la Renaissance et situé à la 135e rue sur Malcolm X Boulevard à Harlem, ce Centre a réuni plus de 5 millions de documents (livres, manuscrits, photos, oeuvres d’art, cassettes audio et vidéo) sur le développement historique, social et culturel du peuple noir disséminé aux quatre coins du monde.
www.schomburgcenter.org///Article N° : 91

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