L’art funéraire malgache : le paradoxe des genres

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Une seule œuvre de l’art funéraire malgache, datée du XVIIème siècle figure au Pavillon consacré aux arts primitifs du Louvre(1). Quels sont les permanences et les changements de cet art quatre siècles après ? Questions de médiations et de durée…

Cette sculpture sakalava présente sur le poteau un saurien ventru derrière un zébu qui semble minuscule. Le caïman,  » siège de la réincarnation du souverain  » suit le zébu, animal providentiel et sacrificiel. Cette  » paire  » animale est tournée vers le sommet où se dresse un couple : une femme plus grande que l’homme.
Dans ce cénotaphe du XVIIème, au phallus de l’homme répond la proéminence sur la tête de la femme. A la taille plus élevée de la femme répond une asymétrie du socle. La  » rigoureuse symétrie  » apparente de l’ensemble est fondée sur une disproportion. C’est l’esthétique et la philosophie même du  » rary  » malgache qui sont mises en scène ici.
Les sculptures et ornementations funéraires malgaches se caractérisent en effet, par la présence de couples paradoxaux. Elles sont représentées de manière abstraite ou figurative selon les époques et les régions : homme et femme, cercle et trait, rouge et blanc, prédateur et proie, un et multitude. A l’instar du tissage ou du tressage, le monde et la vie reposent sur  » la complémentarité des contraires  » régulée plutôt par l’équité que l’égalité.
 » Saisie dans un mouvement général de son évolution, l’architecture funéraire permet une lecture très claire de la nature et de l’histoire de ce système politique et social. Assise tout d’abord sur la représentation centrale donnée à la mort et à la relation aux ancêtres, elle symbolise par excellence la hiérarchie sociale à l’intérieur du royaume « .
Les arts funéraires ultérieurs introduisent plus de dynamique, dans le figuratif notamment. La mise en scène des actes devient plus importante. C’est le cas par exemple des genres sexués représentés hiératiquement il y a quelques siècles et de plus en plus en acte sexuel plus tard. Cette évolution concerne aussi bien les aloalo mahafaly du Sud que les haritsy sakalava de l’ouest.
Cette intégration du changement se retrouve également dans les poteaux mémoriaux et sacrificiels : teza betsileo des hauts-plateaux du centre ou fisokina betsimisaraka sur la côte Est. En mai 2001, Faustin Mahasoro, artiste de Tamatave, expose une installation artistique dans l’exposition  » Ancêtre et Visions « . L’élément central est un pieu, fisokina traditionnel betsimisaraka, taillé en une seule pièce dans du palissandre de la forêt de l’Est. Il demande à un Tangalamena, seigneur rituel, d’y accomplir les rites invocatoires et propitiatoires.
Contrairement aux apparences, l’œuvre de Faustin Mahasoro est une rupture de la tradition. Son fisokina est sculpté, c’est une première. Les rites qui y sont réalisés par le tradipraticien ritualiste invoquent les ancêtres de Tamatave comme d’Antananarivo, de l’océan Indien et du monde. C’est contemporain et sans précédent. Faustin Mahasoro demande au musée d’ethnologie de Tamatave d’accueillir son œuvre qui a désormais valeur sacrée. Ce qui fut accordé.

1. Sophie Godefroit et Jacques Lombard,  »  Cénotaphe (haritsy)  » in  » Musée du Louvre, Pavillon des Sessions, Sculptures, Afrique, Asie, Océanie, Amériques « , Réunion des Musées Nationaux, Musée du Quai Branly, 2000///Article N° : 2989

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