Du 2 au 8 octobre 2006 aura lieu la prochaine édition du Festival du Film d’Afrique et des Iles organisé dans la ville du Port, île de La Réunion. Pour soutenir ce festival de résistance dans une île où il devient de plus en plus difficile de voir un cinéma différent, nous publions ci-dessous le témoignage de Pascal Privet, qui dirige lui-même un autre festival de qualité : les Rencontres cinématographiques de Manosque, France.
Sans céder aux tentations de facilités qui auraient d’abord misé sur l’image d’une destination touristique prisée des « métros », ce festival organisé sous l’égide de la municipalité par le Centre culturel Village Titan s’est placé sous le signe de l’authenticité et de la cinéphilie. Dans ce lieu où le métissage culturel est l’histoire même des habitants, Alain Gili concocte un programme passionnant et fait oeuvre d’initiateur, permettant aux jeunes regards (les élèves et étudiants sont accueillis pendant les projections) de s’ouvrir non seulement à toutes les formes de cinéma, mais encore à d’autres cultures. La thématique du festival, l’Afrique et les îles, à laquelle s’ajoute cette année les diasporas, permet d’aborder les uvres de cinéastes très variés et qui toutes expriment des problématiques inscrites dans des cultures négligées par les médias et de ce fait méconnues. On voit tout de suite la cohérence de ce projet avec les questions mêmes qui peuvent se poser en termes d’identité culturelle dans ce morceau de France situé au milieu de l’Océan Indien et dont le peuplement a des origines multiples, dont certaines ont été subies dans la douleur: la traite et l’exode.
Invité par Perspectives du Cinéma, une association partenaire du festival, pour y présenter le cinéma de Jean Rouch et quelques-uns de mes films, j’ai eu à cette occasion l’honneur de faire partie du jury de la compétition documentaire de l’édition 2005. J’y ai suivi une programmation passionnante et courageuse, allant de films qui ont remporté un franc succès auprès du public comme Mahaleo, tourné à Madagascar par César Paès et Raymond Rajaonarivelo, et le beau film de Rahmatou Keïta, Al’Lèèssi, récompensé par le grand Prix, jusqu’à des films plus inattendus comme La Maison de Mariata de Mariata Abdallah et Gaëlle Vu, montage sensible à deux voix d’images tournées à l’occasion de retours au pays d’une jeune Comorienne de Marseille. Il faut citer aussi une sélection de films tournés à La Réunion, parmi lesquels nous avons distingué la première réalisation d’Alexandre Boutié, Le grand petit Monde de la rivière des Roches.
Du côté de la fiction, une sélection foisonnante proposait le film Moolade de Sembène Ousmane, Zulu Love Letter de Ramadan Suleiman (primé) et, cerise sur le gâteau, l’étonnant Vendredi ou un autre jour, tourné à la Réunion par Yvan Le Moine et tout juste terminé. L’équipe du festival et les élus de la municipalité du Port ont su accueillir tous les cinéastes invités d’une façon vraiment chaleureuse et pas guindée, de quoi donner plaisir à voir les films pour ensuite partager toutes les passions et questions cinéphiles avec les spectateurs.
Pour le prochain festival, Alain Gili et son équipe ont prévu de renforcer l’accueil du public en multipliant les lieux d’animation et de projection. Pour le programme, outre la sélection compétitive qui n’est pas encore révélée, sont annoncés des programmes spécifiques autour du cinéma d’Afrique du Sud, avec des visioconférences ainsi que des rencontres entre des cinéastes de l’Océan Indien, ceux de La Réunion bien sûr avec des invités venus de Madagascar, de l’Ile Maurice ou encore d’Afrique du Sud. Sous le titre « Patrimoine créole et cinéma » sera proposé le premier volet d’une rétrospective du cinéma de Cuba, prévue sur une durée de trois ans. Jacques Baratier, à qui sera rendu un hommage, sera l’un des cinéastes français qui auront le plaisir d’être accueillis à l’Ile de la Réunion début octobre.
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