« Le pluriethnisme est une richesse si les gens n’ont pas honte de parler leur langue »

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Un texte inédit de l’écrivain Jean-Marie Adiaffi, transmis par son fils Olivier, et qui précédait le prologue à « Le Bossonisme : une théologie de libération et de guérison africaine », exposé sur la problématique des religions traditionnelles africaines face au monde moderne.

Préliminaire : mise au point terminologique concernant l’usage des mots agnis ou baoulés dans ma doctrine
Dans tout mon texte, j’utilise les mots ivoiriens. Ne sachant pas définir un mot venu d’ailleurs, je garde mes mots autochtones. On me reproche dans mes textes d’utiliser les mots agnis. J’utilise les mots d’une langue que je connais. Quand je connais des mots non-agnis, j’en fais le même usage. Je suis Ivoirien jusqu’à la moelle de mon âme, mieux panafricain, disciple de Kouamé N’Krumah et de Cheikh Anta Diop. J’ai dépassé depuis belle lurette la volonté de puissance tribale qui chercherait à imposer sa langue. En vérité, le pluriethnisme est une richesse si les gens n’ont pas honte de parler leur langue. Je suis Ivoirien et tout ce qui est sur le territoire national ivoirien est mon héritage, mon patrimoine cher à ma sensibilité. Faites comme moi, enrichissez la langue française avec nos mots à défaut de les utiliser comme langue littéraire pour chaque écrivain. C’est pour écharner à cette critique que j’associe les mots des autres langues que je connais : Nyamien à Lagô ou à Zeu ou Balé Bosson à Ziri bété ou à Zouzou gouro. Le mot Didiga de Zadi est devenu national ainsi que Akwaba ou Aoulaba, Bagnon. De toute façon une pensée rait d’un terrain avec les mots de ce terroir avant d’émigrer ailleurs. Ce n’est que si ce concept atteint l’humanité qu’il devient universel. Personne ne peut reprocher aux Grecs d’avoir pensé avec des mots grecs, puisqu’ils sont grecs. Et philosophie est un mot grec !
J’ai tenu à faire d’entrée de jeu, cette mise au point pour que les gens comprennent demain. Je n’invente pas des mots pour le plaisir d’être pédant. Quand on parle, c’est pour communiquer. Or comment communiquer dans une langue étrangère, inconnue ? C’est pourquoi, au sein de mon langage, j’utilise rarement les mots philosophiques inintelligibles pour le peuple. Au contraire, c’est pour notre combat commun de libération que j’écris. Je n’utilise les mots difficiles que quand le contexte m’y oblige ou quand c’est un concept intraduisible. Faites, je vous en prie, un effort pour assimiler les mots agnis comme je l’ai fait pour assimiler les mots non-agnis. Vous verrez pour illustrer la théologie de libération, je me suis servi de mythes attié, gouro, mina ! Alors éclatez vos limites, brisez vos résistances, allez vous nourrir chez les voisins vos frères. Et par votre générosité intellectuelle, invitez les autres à vos banquets. Ce n’est qu’ainsi que la machine d’une dialectique de détribalisation se mettra en marche pour créer une culture identitaire, un miroir où chaque Ivoirien verra son image parée. Faites un effort, nobles Ivoiriens. Véronique Duchesne, française, utilise ainsi abondamment les mots agnis, et dans le titre de sa thèse « Le cercle de Kaolin. Bossons et initiés en Côte d’Ivoire« , figure un mot agni, Bosson, mot qu’elle a contribué à faire accepter par les milieux universitaires occidentaux. Du courage bientôt notre navire Afrique de Libération atteindra l’île Utopie pour de nouvelles noces avec les soleils de la Renaissance africaine, ivoirienne.

///Article N° : 3101

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