Le Vrai du faux, d’Armel Hostiou

Le clown et son double

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En sortie dans les salles françaises le 07 juin 2023, voici un documentaire original et plein de sous-textes sur les mailles relationnelles à Kinshasa.

On signale un jour à un réalisateur, Armel Hostiou, qu’il a un deuxième profil facebook : de vraies photos de lui et plein d’amies vivant toutes à Kinshasa. Il les invite à participer aux castings de son prochain film qui devrait se dérouler en République démocratique du Congo. Impossible de clôturer ce compte qui semble plus vrai que le vrai. Mais le sujet est trop beau : il décide de partir à Kinshasa à la recherche de son double…

Ce n’est pas chose aisée dans l’immensité de la ville, autant chercher « une fourmi dans la forêt » – et pourtant des réseaux existent, des connections sont possibles si l’on est bien accompagné… Le film avance ainsi à partir de Matonge, au coeur de Kinshasa, sous forme d’enquête relationnelle à la recherche du faux, mais démarre vraiment quand Armel comprend à la faveur d’une rencontre mystique qu’il ne faut pas séparer le vrai du faux… En devenant le faux, il avance !

C’est bien sûr assez humoristique et prenant, sans pour autant tirer trop fort sur les ficelles du polar ou du film d’action. Hostiou est attentif aux visages puisque c’est bien ça que veut dire facebook, mais il ne s’attarde pas trop sur les révélations d’un casting : il n’est pas là pour faire de l’anecdotique ou du sensationnel. Avec ses petits moyens et ses intentions floues, Armel est au contraire très respectueux du milieu qu’il découvre et ne cherche à coincer personne, seulement comprendre ce que trame le faux Armel et comment il y parvient ! Ce faisant, il saisit les logiques de la débrouille dans une ville tentaculaire où chacun voudrait pouvoir rêver malgré la rudesse d’un quotidien où « nos esprits sont ailleurs », tributaires des empreintes coloniales.

« Vous étiez deux, vous serez un » : le féticheur du village n’arnaque pas comme le marabout urbain ; il a la prescience de l’intérêt du double et que ce qui divise Armel pourrait le recentrer, tant il est vrai que pour un cinéaste, la réalité peut devenir fiction. Le passage par l’expérience congolaise et la dérive sur le fleuve pourrait effectivement bien l’aider s’il s’ouvre aux dimensions humaines des croyances des uns et aux logiques de survie de tous. Et accepte ainsi d’être le faux du vrai, ou bien le vrai du faux, bref de ne plus opposer rationnellement les deux !

C’est alors que le faux peut devenir ami du vrai dans un grand éclat de rire, car le faux peut très bien faire mieux que le vrai !

 

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