Les artistes malgaches et la politique : je t’aime, moi non plus ?

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Il y a eu Dama, le leader de Mahaleo, groupe légendaire s’il en est – il a fêté en 2002 ses trente ans d’existence -, les « Beatles malgaches » selon les spécialistes, qui s’est fait élire à la députation, une première fois en 1993. Reconduit dans ses fonctions en 1998, il brigue actuellement un troisième mandat. Puis, Rossy, l’un des chanteurs les plus populaires de l’Ile, connu surtout, hors du contexte artistique, pour ses affinités avec Didier Ratsiraka, dont il deviendra par ailleurs le conseiller, en 2000. Son combat, mené à la tête de l’association Bemiranga qu’il a créée, contre l’exclusion et l’ostracisme dont sont victimes certaines minorités en regard au poids des traditions et à certains préjugés sociaux tenaces, aurait pu lui valoir toutes les sympathies, mais avec l’ombre imposante de l’Amiral, sa marge de manœuvre, à des fins purement sociales, était devenue extrêmement réduite, en tout cas suffisamment assez pour que le public fasse la confusion.
Sans oublier le cas de Lalatiana, chanteuse très estimée et qui occupa le poste de directeur du Patrimoine au sein du ministère de la Culture, toujours sous le régime de Ratsiraka.
C’est dire que ça en fait tout de même beaucoup d’artistes à tâter de la politique, quoique la plupart préfèrent garder leurs distances vis à vis d’un domaine pour lesquels ils ont toujours nourri des suspicions. Et même si on retrouve leur présence sur le podium, dans un meeting politique quelconque lors de campagnes électorales, eux jureront leurs grands dieux qu’ils ne l’ont fait que pour le cachet (juteux en pareilles circonstances !), pour une motivation purement financière donc.
Mais quoi qu’il en soit, la ferveur et le zèle mis par quelques chanteurs dans l’animation des meetings populaires qui se sont tenus quotidiennement sur la Place-du-13-Mai au moment de la crise, font douter quelque peu de cette neutralité. En réalité, en cette période, Marc Ravalomanana bénéficia du soutien sans faille de plusieurs artistes, qui allèrent même jusqu’à jouer sans cachet sur la Place-du-13-Mai. En première ligne, Bodo Razafindrazaka, l’une des plus grandes voix féminines de la chanson malgache. Forte de l’expérience de deux élections (législative, en 1998, et communale, l’année suivante) en tant que candidate, elle s’engagea dès le début de la campagne présidentielle de décembre 2001 aux côtés de Marc Ravalomanana pour ne plus le « lâcher ». L’interprète du « Hiran’ny fandresena » (« L’hymne de la victoire »), la chanson-slogan du candidat Ravalomanana, un air qui, soit dit en passant, survivra – fait sans précédent – à la campagne électorale et même à la crise, sera de tous les meetings de son mentor. La passionaria du 13-Mai, c’est elle.
L’engagement de tous ces artistes en faveur de Marc Ravalomanana, dans ces moments difficiles, aura certainement pesé pour beaucoup dans la politique culturelle menée à l’heure actuelle par son gouvernement. Avec le statut des artistes qui sera établi très prochainement, les innovations ne manquent pas au ministère de la Culture, la preuve que, au moins, la volonté de faire avancer les choses et d’être à l’écoute effective des artistes, est là. C’est dans ce contexte qu’il faut alors situer la mise en place d’une nouvelle direction, celle des Arts musicaux et de la scène. Quant à la Direction de la Promotion artistique, toujours au sein du ministère de la Culture, elle ne sera pas en reste, surtout avec quelqu’un comme Bodo Razafindrazaka à sa tête.

NB : Rossy et Lalatiana vivent actuellement en France, là où ils se sont exilés, craignant, selon eux, pour leur sécurité s’ils étaient restés à Madagascar ou s’ils y retournaient. Notons toutefois que jusqu’à ce jour, aucune poursuite judiciaire n’a encore été engagée contre eux.///Article N° : 2961

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