Les liens sacrés, de Manu Key

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Comment convaincre un lecteur d’ouvrir Les Liens Sacrés, une autobiographie signée Manu Key ? Si le mec (ou la meuf hein) est buté au rap de la fin des années 90, alors on lui tend le bouquin et le tour est joué. Trop facile. Mais pour l’autre ? Celui qui n’a jamais trop eu la vibe hip-hop, celui qui n’a jamais entendu parler de la Mafia K’1 Fry, ou seulement de loin, et encore moins de monsieur Key… Faudrait pas le laisser sur le carreau, passer à côté d’un monument sans qu’il y jette au moins un coup d’œil, non ? 

D’accord, vous lisez « Manu Key » sur la couverture. Mais tournez les pages et vous lirez : Kery James, MC Solaar, Rohff, DJ Mehdi, 113, Rocé, Oxmo Puccino, Fonky Family… Manuel Coudray, alias Manu Key, c’est un peu Tom Hagen dans Le Parrain. Discret, dans l’ombre, pourtant c’est grâce à lui que tout s’organise. Donc quand il raconte sa vie, c’est celles des stars du rap français qui se dessinent. Une sorte de trajectoire fil-rouge qui permet d’assister à la naissance d’un phénomène culturel : de la cité à la scène, en passant par les studios, les radios et les labels. Manu ou la clé de la maison HIP-HOP.

Manuel de la débrouille

« Faites ce qui vous passionne et prenez des risques ». Petit conseil de Manu en guise d’intro. Il sait de quoi il parle. Avec son compagnon de route, le regretté DJ Mehdi, le rappeur du 94 (Val de Marne) a toujours trouvé le moyen d’avancer, de créer, de vivre avec son art malgré des conditions de départ plutôt pourrie. On enregistre dans l’armoire de Mehdi, on squatte des samples de 3 secondes sur un lecteur cassette, on fait des heures de métro pour aller en studio, on s’enferme dans une maison en Bretagne pour éviter la cité et ses distractions, on se dépêche d’écrire parce que le studio coûte cher, on vend son clip dans la rue sur VHS… Manu Key témoigne de l’époque du rap artisanal

Pour ceux

Pas de hasard si ce titre, Pour ceux, est devenu l’hymne de la Mafia K’1 Fry dont Manu Key reste le pilier. Tout au long du livre, on découvre son rôle prépondérant et insoupçonné dans l’histoire d’un des collectifs les plus mythiques du rap français.   C’est lui qui fait signe au petit Kery James cachée derrière la vitre de la MJC d’Orly, lui qui encourage ses potes à former un groupe, lui qui accepte de bosser dans l’ombre du succès pour ceux qu’il aime. Il leur demande même la permission de sortir un album solo ! Manu vit pour le collectif, dans la musique comme sur les terrains de baskets où il officie maintenant comme coach. C’est un chef d’orchestre sans ego, un manager né, avec, en plus, l’authenticité de celui qui ne calcule jamais sinon avec amour. Et ça marche. Tant pis pour les cyniques. Oui, l’amour ça marche, même quand on fait du business. C’est LA leçon du livre.

Felix Barres

 

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