Mongo Beti est entré en littérature en 1954, avec un roman , Ville cruelle dénonçant la violence en situation coloniale. Il meurt en laissant à Fest’Africa un texte ironique (est-ce un testament littéraire ?) : Yaoundé, capitale sans eau, où il pleut sans cesse, qui décrit les travers et l’absurdité de la ville africaine post-coloniale.
En plaçant l’édition de cette année sous le signe de la ville, l’équipe de Fest’Africa a voulu souligner l’importance de l’espace urbain africain comme laboratoire de la modernité africaine, tout en mettant en exergue ses cruautés, son inhumanité. En témoignent les différents textes publiés dans l’ouvrage collectif : Amours de villes, villes africaines (Fest’Africa/Dapper 2001).
Sur le plan symbolique, la thématique de cette année – vu l’importance de la ville, dans l’uvre de Mongo Béti se révèle être le plus bel hommage rendu au romancier camerounais. Son héritage littéraire a d’ailleurs fait l’objet d’une table-ronde avec la participation de sa compagne, Odile Biyidi. Autre temps fort du festival : la table-ronde consacrée au rapport littérature/ politique, où l’on a assisté à l’un des débats le plus graves du festival, mais où les intervenants ont fait montre d’une sincérité inédite dans ce genre de manifestation. C’est ici l’occasion de souligner le franc-parler et le courage d’Aimée Mambou-Gnali, la pondération de Cheick Hamidou Kane, lequel a séduit plus d’un festivalier lors de sa prestation avec Romuald Fonkoua.
En dix ans d’existence, Fest’Africa a conquis son public. Animé par une équipe de trois permanents, Nocky Djedanoum (directeur) , Maïmouna Coulibaly (secrétaire générale), Frankline Banquet (secrétaire), Fest’Africa ne cesse de recueillir des bénévoles proposant leur contribution pour la réussite de cet événement littéraire.
Il y a trois ans, j’écrivais dans les colonnes d’Africultures que Fest’Africa était à l’heure actuelle le seul lieu en France où l’on discutait avec autorité de la littérature africaine. A l’époque, ce propos me semblait assez péremptoire, force est de constater que ce qui hier apparaissait comme un excès de zèle langagier devient une évidence. Je n’en veux pour preuve que les nombreux témoignages des écrivains africains publiés dans l’Autre Afrique (n° 6. 17-23 octobre 2001) au moment du décès de Mongo Béti. Tous (ou presque) ont dit avoir fait la connaissance du grand écrivain à Lille, devenue, grâce à Fest’Africa, la capitale culturelle et littéraire de l’Afrique.
Après avoir réfléchi deux années successives sur des thèmes tragiques : le génocide rwandais, la violence des villes africaines, Fest’Africa nous invite l’année prochaine à débattre de « moins grave : la sexualité et l’érotisme. Ce serait une sorte d’avant-goût de son dixième anniversaire qui sera célébré au « Tchad sous les étoiles » en août 2003.
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