Compay Segundo, Ibrahim Ferrer, Orchestra Aragon, le vent de nostalgie exotique qui balaie l’Europe depuis quelques mois et qui pousse les labels à retaper les vieux Salséros et autres ancêtres du Boléro, vient de faire une nouvelle victime
ou un nouvel élu. Africain cette fois. Wendo Kolosoy, de son véritable prénom Antoine, père de la rumba congolaise, remet au goût du jour des airs de cette période où les bars de Léopoldville, l’actuelle Kinshasa, résonnaient des sons de guitares acoustiques, des tambours sur cadres, patengué, et des racleurs, mukuassa. L’album Marie Louise, titre d’une chanson qui assura à l’artiste succès et déboires, s’enracine dans la rumba des premières notes et fait le point les origines d’un rythme qui, aujourd’hui encore, se confond avec l’histoire de toute une région du continent.
Né en avril 1925 à Mushie dans l’actuelle République démocratique du Congo, la légende attribue la vocation de Wendo à la vision de sa mère décédée qu’il aurait eu en rêve alors qu’il était enfant. Autodidacte à la guitare, il déserte les bancs dès l’âge de 11 ans et fonde quelques années plus tard le groupe Victoria Léo avec qui il assure l’ambiance dans les bars, les retraits de deuil et les mariages. De ces vagabondages musicaux, il gagnera une réputation et son surnom Wendo Sor, déformé – paraît-il – de Windsor. Dans les années 40, la rumba déferle sur l’Afrique centrale tandis qu’à Kinshasa, les dancings se multiplient. La toute puissante église catholique y perçoit hérésie et appels à la débauche. Wendo choisit ce contexte pour sortir Marie Louise en 1948. Succès populaire, on dit de la chanson qu’elle pouvait réveiller les morts le tube est mis à l’index par les missionnaires qui l’excommunient et poussent Wendo, traqué, à aller se réfugier à Stanleyville, actuelle Kisangani. En 1966, il rencontre Tabu Ley qui l’intègre dans son orchestre l’African Fiesta National avec, entre autres, Rochereau. En 1980, il participe à l’anthologie de la musique congolaise commandée par Mobutu et est incorporé dans la division Musique et Ballet de la Compagnie du Théâtre du dictateur, particulièrement gentil avec les artistes. Primé lors de la première édition du grand prix panafricain de la chanson, Wendo Kolosoy est toujours resté dans l’ombre de la notoriété internationale, même si, de Papa Wemba à Kofi Olomidé, on continue à se réclamer de lui.
Enregistré pendant Le 4ème Masa 99 à Abidjan, cet album lui en redonne une partie. Sa voix non seulement n’a rien perdu de sa chaleur mais a gagné en profondeur. Rauque et suave, elle part volontiers dans des séries de hoquets et roucoulements ludiques teintés de cet humour mélancolique qui l’a rendu célèbre dans une grande partie de l’Afrique urbaine. L’équipe de jeunes musiciens qui l’accompagne parvient à recréer l’atmosphère musicale de cette époque, quand les influences étrangères n’entravaient pas l’interprétation des rythmes traditionnels. Poète amoureux dans Marie Louise – » tendre muse, tu es ma vraie raison d’être, l’oreiller sur lequel se brassent mes rêvent les plus optimistes, les plus sensuels » – tantôt moraliste, tantôt nostalgique, Wendo rend dans Pépé Kalé, un hommage émouvant au chanteur disparut l’année dernière – il l’appelait son fils et, avec Anne-Marie Nzié, la diva camerounaise de 67 ans, » découverte » et honorée lors de la même manifestation et produite par le même label, il offre Tokutani, un duo improvisé, en une seule prise, où la simple écoute ces deux voix limpides et vraies donne envie de remonter le temps.
Marie Louise , de Wendo Kolosoy (Indigo)///Article N° : 1075