Mozambique, journal d’une indépendance

De Margerida Cardoso

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La documentariste Margerida Cardoso avait déjà traité de la révolte face à l’histoire coloniale portugaise dans le beau Natal 71 (cf critique sur le site). Voilà qu’elle traite ici de l’indépendance mozambicaine de façon très personnelle puisqu’à travers les images avec une immense nostalgie. Celle d’un rêve de cinéma. Les gens que nous voyons à l’écran et qui ont fait le cinéma de l’indépendance mozambicaine reconnaissent avoir fait un travail d’idéologues au service d’une idée, d’une conception, d’un parti. Et se le font reprocher aujourd’hui. Mais ils assument y avoir cru. Démarrant sur des images de discours de Samoro Machel, le film se termine sur les mêmes images, après y être revenu en boucle : cet homme a incarné cette idée, celle d’un pays mais aussi celle d’un cinéma engagé, au service du peuple. Pourtant, l’on verra Ruy Guerra, appelé à revenir du Brésil pour diriger l’Institut national du cinéma, insister sur son désaccord avec les méthodes du parti tout en partageant les idées. Et surtout, on verra le projet de Godard rejeté, qui voulait créer une contre-télévision en formant les paysans à tourner leurs propres images. Le film ne mentionne pas Rouch, pourtant lui aussi appelé au même moment par le régime mozambicain et ses tentatives d’application de son cinéma vérité.
La nostalgie se fonde non pas sur un modèle perdu mais sur la fin de l’engagement, la résignation à l’œuvre :  » aujourd’hui privé de sa propre image par des télés pas du tout godardiennes, le peuple oublie son passé et son présent. Du rêve, personne ne parle plus.  » Ces phrases finales sonnent amères mais elles ne cherchent pas à mystifier l’époque révolue de l’enthousiasme révolutionnaire. Elles font plutôt référence à la vitalité de l’enfance confrontée aux limites de la vie. Elles appellent à la retrouver comme adulte, une fois tournée la page des illusions et ses intolérances. C’est en cela que ce film de mémoire trouve une belle dynamique : puisant dans l’évidente et chaleureuse humanité de ceux qui ont fait ce cinéma et dans leur regard partagé sur leur pratique passée, il appelle sans le dire de nouvelles voies de l’appropriation de l’image, une nouvelle aventure de cinéma.

///Article N° : 3049

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