Noumoucounda : une révolution nommée kora

Print Friendly, PDF & Email

Héros discret de la musique sénégalaise, Noumoucounda Cissoko a été pendant vingt ans le korafola des Positive Black Soul. Avec Faling il partage enfin son premier album international.

Il appartient à l’une des plus anciennes ethnies du Sénégal : les Socé. El Hadj Noumoucounda Cissoko est un colosse, au propre comme au figuré. Conscient d’avoir fait grandir son instrument, en le frottant aux musiques modernes, mais d’un naturel discret comme le sont les vrais créateurs. Un sourire timide aux lèvres, le géant porte, à la force de ses bras musclés, l’héritage de ces ancêtres : les korafolas Cissoko. Banna, son père, est un maître de la kora mystique, originaire de la région de Tambacounda (1), à la frontière malienne. Alors qu’il officie à l’Ensemble instrumental du Sénégal il forme le jeune « Noumou » à la tradition griotique. Chez les Cissoko tout le monde est djéli. Dans la maison familiale des HLM Patte-d’Oie, à Dakar, ça chante et danse en permanence. Mais on prend l’art très au sérieux. Pendant quatre ans, Noumoucounda étudie au Conservatoire de musique du Sénégal, et empoche deux diplômes : kora et percussions. Un tremplin tout désigné pour intégrer l’Orchestre national du Sénégal.
Master of kora
Si Noumou fait ses gammes avec l’Orchestre il ne se complaît pas dans la redondance. Grand improvisateur devant l’éternel, il cherche en permanence de nouvelles sonorités. « Je voulais améliorer la pratique de la kora. Notre musique traditionnelle peut se mélanger au rap mais aussi à la pop, au reggae. J’avais un grand frère korafola : Kaounding Cissoko, aujourd’hui décédé, qui accompagnait Baaba Maal. Il a innové avec un album : Kora révolution. « On avait tous les deux dans l’esprit de révolutionner la kora, en la fusionnant avec toutes les musiques du monde. » Sa maîtrise de la kora rend vite Noumoucounda très recherché auprès d’une pléiade d’artistes en vue : « Youssou N’Dour, Omar Pène, Baaba Maal, Alpha Blondy m’ont appelé en studio ou en concert. J’ai remplacé mon grand frère Kaounding, sur une tournée internationale, avec Ernest Ranglin. MC Solaar m’a contacté pour son titre Hijo de Africa. J’ai aussi rencontré l’un des fils de Bob Marley, Ki-Many, sur l’album Run Cool de Positive Black Soul.
Faling : le partage
C’est avec ce groupe, pionnier du hip-hop sénégalais, que Noumoucounda collabore pendant une vingtaine d’années, de l’album Salaam en 1995, jusqu’au projet Président d’Afrique de Didier Awadi en 2010. Étant l’un des premiers à mêler l’essence de sa kora magique avec les beats hip-hop, Noumou se forge rapidement une solide réputation sur le continent et se rend indispensable. Difficile d’imaginer le titre J’accuse de Awadi, sans les accords de kora du griot derrière. Mais comme tout à une fin : « Je me suis donné au maximum pour les autres. Au bout d’un moment je me suis aperçu que je ne profitais pas des fruits de mon travail. » En 2008, sa rencontre avec quatre jeunes suisses du groupe de rap Phat 4 est décisive. « Ils m’ont dit : Avec tout ce que tu apportes, tu devrais travailler pour toi-même. » Aussitôt dit aussi tôt fait, les compères le font enregistrer en studio à Genève. En ressort, après plusieurs années de labeur, un album, mixé entre Dakar, Paris et Genève Faling, le partage en bambara. « Je veux partager ma musique avec tout le monde. Mes amis me disent souvent : Toi tu aimes partager ! Je partage cet album. » sourit Noumou. « On a enregistré dans mon quartier, avec des percussions, des djembés, balafons, des voix de ma famille. On a fait participer des musiciens locaux. C’est un album de partage international : qu’on soit noir blanc, jaune ou rouge on a tous le même sang roule qui coule en nous ! Je transporte mon identité dans le monde et je me nourris des musiques que je côtoie. Je chante en wolof, en bambara, en poular, un peu en français. Je parle de l’amour, de la guerre, de l’éducation des enfants, de l’unité africaine. Si l’Europe est unie, pourquoi pas l’Afrique ? J’ai aussi un morceau sur les garçons : Gorgni Je rends hommage à leur dévouement, à leur respect de la femme. »
Sur ce titre on retrouve l’inévitable Frédy Massamba, qu’il a rencontré au studio Sankara à Dakar. Juste retour des choses car Noumoucounda figure sur le premier album de Frédy Ethnophony. Sur Sining, le temps d’un couplet, on entend aussi, trop fugacement, le MC Tumi Molekane, du groupe de Johannesburg Tumi and the volume, croisé lors d’une tournée sud africaine. Signe des temps, sa contribution a été envoyée par fichier partagé sur le net. En attendant une sortie française, l’album est disponible sur I Tunes, en Belgique, sur le label Skinfama et au Royaume-Uni sur : World Music Network. Une chose est sûre : on n’a pas fini d’entendre parler de Noumoucounda Cissoko !

1. En 2010 Noumoucounda a sorti au Sénégal uniquement un premier album de Mbalax intitulé Tamba Kunda.Liens :
 [Noumoucounda Cissoko]
 [Elage Noumoukunda Cissoko (Fatou Ndoye)]///Article N° : 11708

  • 1
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
Les images de l'article
Faling de Noumoucounda Cissoko © DR





Laisser un commentaire