Les Gnawa du Maghreb témoignent du dépouillement humain qu’a connu l’Afrique subsaharienne durant les siècles derniers. Les esclaves, originaires de l’Afrique de l’Ouest pour la plupart, ont conservé leurs pratiques qu’ils ont mêlées à la culture du maître. Ainsi, la layla, cérémonie hebdomadaire pratiquée à Mostaganem, dans l’Est algérien, dure toute une nuit, mettant en scène les danses de possession, ijhâb, ainsi que le bori, séance curative. Cet opus, enregistré en 1971, illustre les rythmes gnawi qui accompagnent les cérémonies. Un tempo binaire et ternaire alternant rythmes accélérés et rythmes lents, de la transe à la réalité.
Illustre pianiste d’origine panaméenne, Danilo Perez, qui fait partie du trio de Roy Haynes, a toujours montré un intérêt particulier pour l’histoire des musiques noires. Pour lui, la musique est un moyen d’éducation et il met en avant l’influence africaine sur les musiques américaines. C’est ainsi qu’il propose ici une vision musicale panoramique illustrée par des rythmes afro-cubains, brésiliens, latino-américains, africains et jazz. 17 invités, venus des quatre coins du monde accompagnent l’artiste, qui assure le lien entre des musiques dont le fil conducteur reste l’Afrique.
Depuis le début des années 90, le saxophoniste londonien d’origine jamaïcaine Courtney Pine propose une musique futuriste, reprenant des standards de jazz remis au goût du jour de l’électronique. Sacrilège ! Des voix s’étaient levée, accusant le saxophoniste de céder à la facilité. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui se sont alignés, suivant ainsi la voie tracée. Contrairement aux autres, Courtney Pine ne se contente plus de sampler des sons existants : il compose, crée des rythmes et des sons nouveaux, une forme de drum’n’bass harmonisée par les mélodies soufflées. L’artiste s’est entouré cette fois-ci de musiciens issus de l’underground local, comme pour affirmer qu’il n’est pas utile d’aller en Amérique pour trouver de bons musiciens.
Les férus du reggae se souviendront sûrement de « To be poor is a crime », titre qui atteint la première place des charts anglais en 1982. Par cette composition, Joseph Blue Grant labélisait un style inimitable, « souvent imité, mais jamais égalé ». Le défenseur de notre belle planète propose ici un album autobiographique, qui synthétise une carrière démarrée dans les années 70 aux côtés de musiciens célèbres, à l’image de Robert « Robbie » Shakespear. Un reggae soft, épuré et réfléchi, à travers lequel l’auteur développe un discours pertinent et engagé.
Le remake du film Shaft par John Singleton marque le retour en forme des sonorités des années 70-80, qui a fait le succès de la Motown. Omar y est sensible. L’album qu’il sort est un bel hommage à ce fameux son qui a rendu célèbre les Stevie Wonder, Diana Ross et autres Jakson family. C’est aussi un retour en force de l’artiste qui, après cinq années d’absence, s’était presque fait oublié. Comme à son image, très éclectique, l’artiste revendique un héritage soul jazz, blues et africain, rehaussé par des sonorité électroniques. Le musicien se complaît avec subtilité à passer d’un rythme à un autre, dans une atmosphère feutrée. Un album dans l’air du temps.
De plus en plus d’artistes mêlent sonorités africaines et noires américaines. Moïra entre dans la danse de façon académique et innocente tout en donnant l’impression d’innover. Cet album trouve sa qualité dans celle des artistes qui y participent, la plupart ayant l’expérience de ce genre d’exercice. Mais la direction artistique enferme les musiciens dans un cadre bien défini, retenant toute volonté de spontanéité ou d’improvisation. Moïra se distingue par ses mélodies, qui enjôlent sa musique de son accent parisien. Une mention spéciale à Moriba Koïta et à Nathalie Soares qui offrent à la chanteuse deux compositions originales à découvrir.
Alors qu’on croyait la scène du hip-hop venue des Etats-Unis, de la France, du Sénégal ou du Mali déjà installée, voici qu’en trouble-fête apparaît Muzion : une bande de jeunes Montréalais d’origine haïtienne, qui contrairement à leurs cousins d’Outre-Atlantique, introduisent une touche un peu plus personnelle dans leur travail. Appliquant sur des musiques de leur composition (hardcore, soul ou kompa ragga) des textes mêlant un « slang » aux accents joal (français du Québec), anglais et créole, Muzion rappe comme on parle à Montréal.
Claudy Siar est surtout plébiscité pour la qualité de ses émissions radiophoniques. L’animateur auteur compositeur, producteur chanteur d’origine antillaise sort un quatrième album où se mêlent amour, engagement et revendication politiques et historiques, dans une ambiance zouk, ragga et R’n’B. Quelques invités, Jocelyne Labylle, Dominique Zorobabel, Tony Chasseur, M C Janik ou encore Edith Lefel soutiennent l’artiste parolier qui démontre une volonté d’évoluer dans ce domaine. La route est longue, mais avec le temps l’animateur passionné de musique a de grandes chances de réussir.
Yannick Noah est un être sensible. On l’avait déjà remarqué lors de sa victoire à Roland Garros en 1983. En se lançant dans la musique de façon plus professionnelle, l’artiste entend développer ses sentiments et affronter un public nouveau. L’album, éponyme, est à l’image du personnage, entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. L’artiste franco-camerounais a choisi cette fois de chanter en français et en eton (une composition de Sally Nyolo) sur du reggae. La démarche du chanteur est intéressante mais demeure embryonnaire. Un public lui est certes acquis, il ne lui reste plus qu’à élargir son audience. Un défi à la portée de Yannick.
Les Européens ont leur campagne d’information sur la nouvelle monnaie européenne, et les Afro-européens ne sont pas en reste ! Grâce au soutien financier de la fondation de France et d’une grande banque européenne, Nuru Kane, auteur compositeur et chanteur sénégalais sort un CD 3 titres. Outre le fait que cet opus annonce aux immigrés l’entrée en vigueur de l’Euro et des dispositions à prendre, on retiendra surtout les idées musicales développées. L’artiste, d’influence africaine, gnawa, blues, jazz soul et funk adopte une formule traditionnelle, voire spirituelle (même si l’on parle d’argent), pour accrocher le public souhaité.
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