« Tu me cherches et je te cherche,
Mais impossible est la rencontre.
Et pourtant,
Je n’existe que par toi. »
Léopold Congo Mbemba, Déjà le sol est semé,
L’Harmattan, 1997, p. 27.
Dans l’est du Niger en 1929, une guerre contre l’impôt est restée légendaire. Face aux soldats venus mater la révolte, les femmes d’Aba s’étaient mises à moitié nues et marchaient et dansaient de manière obscène. Certains hommes prirent peur et s’enfuirent
Bouclier ou séduction, leur corps fut de tous temps pour les femmes un outil d’affranchissement. L’ambiguïté est de taille, renforcée par la précarité dans les pays pauvres : c’est en exploitant le désir de l’homme que la femme peut espérer améliorer son statut. Mais ce faisant, elle se situe comme objet de conquête sexuelle et entretient son assujettissement.
Car pas plus que dans l’Europe du XIXe siècle, les nouveaux Etats africains n’ont réellement favorisé l’émancipation espérée par les femmes. Il leur fallut se débrouiller seules ! Dans une relation hommes – femmes qui reste dominée par la violence du rapport, les mutations culturelles leur ont ouvert des marges de liberté souvent méconnues que signalent la fréquence des relations sexuelles pré-conjugales et extra-conjugales ou une certaine liberté vestimentaire.
Mais on ne sort pas là de l’ambiguïté évoquée. Ce qui conduit la femme à explorer une nouvelle attitude : refuser de confondre amour et sexualité. C’est-à-dire se situer comme sujet à part entière et l’égale de celui qui la désire. Mais il faut alors se débarrasser des images ancrées par les média d’un amour-passion universel, d’une unité divine du couple où chacun reste finalement bien à sa place.
C’est cette place et cette relation que ce dossier ne fait qu’approcher tant le sujet est sans fin. Les artistes africains – et notamment les jeunes auteur(e)s, cinéastes et plasticiens – les abordent avec une bonne dose de lucidité et de provocation. Car c’est souvent d’indocilité et de révolte des femmes que parlent leurs écrits, leurs films, leurs uvres. En s’attaquant aux normes patriarcales, c’est la tradition qu’ils/elles remettent en cause. Au nom de quoi fonder cette infidélité ? Leur trahison n’est que fidélité à leur propre origine, à ces mythes entendus à la veillée et qui donnent, par les valeurs essentielles qu’ils défendent et les modèles qu’ils proposent, l’énergie d’être rebelle.
Ce sera souvent une histoire d’amour. Ils/elles posent ainsi l’amour non comme un état que l’on peut atteindre, mais comme un acte qu’il est nécessaire de mener à deux. N’est-il pas l’expérience même de cette infidélité, de cette perte d’identité, de ce manque qu’il faudra combler ? Et donc révélation d’un renouveau dans l’exploration des possibles ? N’est-ce pas parce que l’Autre offre cette expérience corporelle vivante que se déchaîne l’éros ?
Alors que dans l’art occidental, cet amour révélateur et libérateur est souvent illicite, les romans et les films d’Afrique suggèrent que l’amour conjugal pourrait être une idée neuve. Belle façon d’ouvrir de nouveaux territoires à méditer, car comme l’écrit Véronique Tadjo en conclusion d’A mi-chemin (poèmes, L’Harmattan 2000, p. 97), « Il n’y a qu’une seule histoire d’amour que nous habillons et déshabillons avec nos mots et nos espoirs, une seule vraie saison du cur où l’univers peut éclore, un seul moment de grâce pour renaître et reconstruire le monde envers et contre tout. »
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