Nouvelles renaissances ?

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Lieu mythique de Harlem ayant célébré les plus grands noms de la culture noire, l’Apollo Theater, construit en 1913, tente aujourd’hui de faire peau neuve. En début d’année a débuté un programme de rénovation de 6 millions de dollars, accompagné d’une campagne pour relancer le prestige du lieu. Géré par une organisation à but non lucratif, l’Apollo Theater multiplie les soirées dites « benefit » pour générer l’afflux de fonds privés. Slogan de l’une d’elles : « The Stage is Set for Another Great Harlem Renaissance« . (La scène est prête pour une nouvelle « Harlem Renaissance »).
Empreinte de nostalgie, cette référence-hommage à la période faste qu’a connue Harlem pendant les années 20 en dit long sur le prestigieux mais aussi lourd héritage de cette foisonnante période de l’histoire artistique noire-américaine. Un héritage de 80 ans qui ne cesse d’être évoqué à Harlem pour valoriser le présent. Comme si l' »après-Renaissance » cherchait encore ses marques…
Ironie de l’histoire, le terme renaissance est aujourd’hui utilisé, ou plus exactement détourné, pour venter les mérites d’un processus – contesté – en cours à Harlem : la gentrification – c’est-à-dire la revalorisation ou hyper-inflation immobilière. Initié dans le milieu des années 90 par le maire Rudolph W. Giuliani, pressé par les besoins d’un marché immobilier saturé, ce processus génère un insidieux déplacement de population : incapables de face à la hausse des loyers, certains résidants harlémites – Noirs et Latinos en majorité – sont obligés de quitter progressivement ce qu’ils ont fait, par défaut, leur ghetto. Tandis qu’une population de classe moyenne, blanche principalement, vient y profiter de loyers encore abordables en comparaison du marché new yorkais. Rénovation de l’habitat, revalorisation immobilière, apparition de grandes chaînes commerciales (Harlem a maintenant sa boutique Walt Disney Co. et son Starbucks), installation des bureaux de l’ancien président Bill Clinton … Ghetto habituellement oublié, Harlem renaît aujourd’hui certes de son état de délabrement et d’abandon, intégrant peu à peu le reste de l’île de Manhattan, mais change en même temps aussi de visage.

///Article N° : 92

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