Fiche Personne
Musique

Princesse Aniès

Chanteur/euse, Rappeur/se
France

Français

BIOGRAPHIE (sur le site officiel de l’artiste)

Les Louvrais, à Pontoise. Cocon solide et dur, tout enlisé d’asphalte. La rue crache cette même poésie crasse, comme des plaintes qui s’égrènent de blocs en blocs : le rap. Sur des instrus s’enchaînent de longues minutes en apnée, sous la surface de la ville, des gens qui gueulent à l’asphyxie. C’est un océan froid, comme on en trouve que derrière les portes en métal et les cages. Les mots bousculent le mental par vagues successives. Quatorze ans quand elle se jette à l’eau, l’esprit porté par une rébellion quasi instinctive. Princess Aniès écrit ses premiers textes, comme des bouteilles à la mer. Et le flow la transporte. Alors que le rap n’évolue que d’IL en IL, la petite meuf débarque, prête à saborder l’affaire.

La rencontre entre la « sale gosse » et le Da System (Abuz, Mysta. D, Tepa, Stor K…) lui permet d’affuter ses premiers sons. Elle pose un premier titre, « Qui représente ? » sur la compilation Lab’elles (Barclay) qui l’imposera comme l’une des figures les plus prometteuses de la nouvelle génération de rappeuses.

Les concerts s’enchaînent, libérateurs et nécessaires, pour la princesse du 9.5. L’occasion chaque fois, de prendre l’envergure. Car déjà les textes se déploient, rap conscient et habité qu’elle décline en prises de position et en attitude tranchée : pas le temps de s’apitoyer, sur le bitume c’est pas les roses qui poussent, c’est la misère et l’exclusion. Gérer le quotidien, sur la défensive, pas que l’agressivité aide, mais tout du moins empêche de se répandre. Princess Aniès très vite, devient le témoin lucide d’une société en pleine déconstruction, le flirt avec les institutions est douloureux et moteur à la rage. Dès 97, elle co-fonde avec Tepa le groupe Les Spécialistes, qui reste à ce jour le seul et unique groupe mixte du rap français. Suivra un premier album « Les spécialistes » en 99 à travers lequel les deux compères bousculent les codes du milieu indé, démontrant avec classe que les majors n’ont pas le monopole de la qualité et de l’exigence sur les productions.

Princess aniès n’a alors aucun projet solo à son actif mais est déjà reconnue par les lecteurs du magazine Groove comme l’une des meilleurs rappeuses du paysage hip hop français. Forte de cette street crédibilité, elle devient animatrice radio de 2000 à 2002 sur Générations 88.2, et devient ainsi la première rappeuse a avoir sa propre émission sur les ondes. Définitivement pionnière dans de nombreux domaines, c’est en 2002, après des participations aux projets Mission suicide, Premiere classe 2, Cutee B. Style et plusieurs maxis (« Celle qui/sans cesser ») qu’elle se lance dans la réalisation de son album solo. Nourri d’un regard tout en collisions, sans concessions, « Conte de faits » s’impose d’emblée comme la meilleure vente en autoprod de l’année 2002. Princess Aniès transforme l’essai en signant sur le label IV My People avec son groupe. Cette collaboration marquera la sortie du second album des Spécialistes en 2005, sur le label IV My People, grâce auquel ils seront amenés à assurer les premières parties de la tournée d’adieu de Kool Shen, entre Zénith de Paris, festival des Francofolies ou la scène mythique de L’Olympia.

En Septembre 2006, Princess Aniès sort « Ma p’tite histoire », un double CD mixé par DJ Akil qui retrace son parcours. A travers une collection de ses meilleurs titres et featurings, complétée de plusieurs inédits et autres raretés, « Ma p’tite histoire » dresse un premier bilan de l’un des parcours les plus prolifiques du rap français. Ce double résolument tourné vers l’avenir vient clôturer une décennie de concerts et de rencontres avec son public.

Il faudra attendre janvier 2008 pour la retrouver dans les bacs avec le double cd/dvd, « Au carrefour de ma douleur », production en indé made in Princess Aniès du côté de Tilt Prod. Primo ça se toise avec respect, visuel bien lêché, l’esthétique mise sur une évidente et élégante fragilité : profondeur froide de la rappeuse en porcelaine sous le regard mêché. Ne pas s’y tromper, c’est bien de l’incassable, attitude rigide et digne sous le poids des confidences qui constituent l’album, réelles ou fictives. Vidange nécessaire de la rage gobée dans l’atmosphère crasseuse d’une France malmenée en 2007 (« Pourquoi tu m’entends pas? », « La vie qu’on mène », « Chargez »), d’un monde par extension (« Au carrefour de la douleur »), avant de reprendre le chemin du studio. « T’inquiète » et c’est certain, la princess garde l’oeil ouvert, à mater le bazard dans le périscope, maniant les lyrics avec l’instinct du sniper (« Trop despee »). Si son bilan du rap-biz n’est pas tendre (« Les étoiles », « Une décennie », « La zik et moi ») c’est parce que le coeur d’Aniès est aussi grand que passionné, aussi prompt à se remplir du bon que du mauvais qu’on trouve dans l’aventure hip hop. En résulte un album terriblement hybride, entre l’individuel et le collectif, entre le black-out et la lumière, polyforme (cd + dvd), assurément chargé de sincérité et délibérément frontal. Une confidence crachée à l’hygiaphone. Un nouveau projet de belle envergure et d’une franchise évidente, complétée par un dvd regorgeant d’interviews, de clips et de bonus, le journal de bord retraçant le séjour de Princess Aniès au Darfour et les raisons de son engagement pour cette cause terriblement essentielle.

Princess Aniès cumule tout au long de sa carrière plus de 350 concerts en France et à l’étranger (Madagascar, Gabon, Cameroun, Mali, Martinique, Algérie, Maroc…), plus d’une centaines de mixtapes, des nombreuses participations à des albums et projets… Elle milite également sans relâche auprès de nombreuses causes et d’associations qui lui tiennent à coeur. Rappeuse inclassable, incassable, incessible, incessante, figure emblématique d’un rap social et conscient, Princess Aniès rappe avec son âme. Preuve qu’elle ne l’a jamais vendue.

Antoine Dole
www.princessanies.com
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