Powé

De l'Atelier Eyéno

Entre espoir et tristesse
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Le spectacle Powé de l’Atelier Eyéno procède à un état des lieux des nombreux maux du continent noir. Créée entre avril et mai 2005 au Centre culturel français (Ccf) de Libreville au Gabon, la pièce a été présentée à la 14e édition des Rencontres théâtrales internationales du Cameroun (Retic). Après 14 représentations dans la capitale Gabonaise, elle a été présélectionnée pour le prochain Masa (Marché des arts et des spectacles africains).

Dans la pénombre de la salle de spectacle du Centre culturel français (Ccf) de Yaoundé, un personnage entre sur la scène. Quelques secondes plus tard, trois autres comédiens arrivent et s’installent sur des sièges placés en file indienne.  » Vivre sans vivre de liberté dans son pays, ce n’est pas digne d’un peuple considérable. Mais tout peuple est considérable  » : le ton est donné. Nous plongeons dans la discographie des années 70 à 90 du poète et musicien gabonais Pierre-Claver Akendengué.
Le malade alité
Ce ne sont pas textes à faire danser le public. Plutôt à réfléchir sur la question d’une Afrique  » incapable d’unité et de développement « . Entre les vers, perce la mélancolie et la tristesse. Celle du piroguier infatigable qui rame toujours vers les rives inatteignables de la liberté ou du coupeur d’okoumé aux mains gercées, dont le tranchant acéré de la hache mord continuellement le bois dur.
En Afrique, point n’est besoin des compétences adéquates pour accéder à une promotion dans le gouvernement. Le boulanger devient aisément député. Le chasseur de gibier est nommé du jour au lendemain ministre. L’acteur Michel Ndaot interpelle les gouvernants sur l’exploitation anarchique du bois, l’analphabétisation et l’infinie assistance alimentaire et financière.  » Continent aux matières premières diversifiées, mais de plus en plus appauvri par ceux qui le gèrent « . Tout ce qui fait de l’Afrique, selon Akendengué, l’éternel  » malade alité « .
Le rebelle
Powé adapte des chansons de Pierre Claver Akendengué mais aussi des extraits du recueil Ainsi parlaient les anciens, de Pierre Edgar Moundjegou Magangué. Petit oiseau célèbre au Gabon, Powé traverse un pays imaginaire qui ressemble à l’Afrique. Au cours de son vol, il dénonce les sécheresses, les guerres, les famines.
Mais, devant la menace d’une mort imminente, le personnage ne recule pas. Il ne change pas de discours ni de combat sous la pression de l’adversité (les arrestations arbitraires, les emprisonnements massifs, les coups de feu et la présence des tanks). Au contraire, il lutte au prix de sa vie, sans jamais trahir le peuple pour qui il mène le combat. Jamais il ne sert des fins égoïstes.
Malgré cette indocilité, il chante l’espoir et l’amour, parce qu’il est un témoin de l’Afrique d’hier et d’aujourd’hui. C’est un personnage de résistance qui s’élève et demeure dans la mémoire collective. L’évocation des héros noirs comme Mandela, Lumumba, Um Nyobe, Béhanzin, Martin Luther King, élargit la vision politique du spectacle.
L’adaptation spontanée
Michel Ndaot explore la poésie d’Akendengué pour parler des choses graves avec humour.  » Brazzaville la danseuse, Accra la salope, Rabat la mystérieuse, Yaoundé la frivole,… ». L’absence d’un comédien a mis le spectacle en difficulté et obligé le metteur en scène de l’adapter à quatre. Des ponctuations musicales (rap, mélopées) trop fréquentes alourdissent l’évolution de la pièce, mais l’interprétation de Jean Romain Nguemene dans le rôle de Powé donne une belle allure au spectacle.

Fiche artistique
Michel Ndaot
Jean Romain Nguemene
Mesmin Moutsinga
Jonas Obiang
Hervé Obiang Mvé///Article N° : 4284


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