Premier roman de Oxmo Puccino : Les réveilleurs de soleil

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Un livre : Les réveilleurs de soleil d’Oxmo Puccino. Une énigme : que serait l’humanité en l’absence du soleil, que deviendraient les humains et les plantes, qu’est-ce qui resterait de l’équilibre du monde. Paru au label La Grenade des Editions Lattès, en mai 2021, le premier roman du rappeur franco-malien, Oxmo Puccino, est écrit dans une langue émouvante et poétique.

Lecteurs du monde entier, voici un petit exercice : imaginez un jour que le soleil s’est endormi et ne s’est plus jamais réveillé, que feriez-vous pour réveiller le soleil ?  Iriez-vous voir l’homme le plus riche de la terre (Noé) afin qu’il fasse au soleil une offre qu’il ne pourra pas refuser ? Vous rendriez-vous chez la plus belle femme du monde (Venus) pour la convaincre d’aller séduire l’astre du jour ? Que feriez-vous, hein, pour réveiller le soleil ?

L’histoire racontée est celle de Rosie, une jeune fille de 13 ans qui vit avec son grand-père dont la santé se dégrade à cause de la disparition du soleil. Cette jeune fille dont la mère est morte et le père disparu a peur de la solitude. Elle va laisser son village, Amourville, pour résoudre l’énigme  du soleil et faire en sorte que sa lumière revienne dans le pays. Pour cela, elle connaitra un extraordinaire périple parcourant diverses villes et quartiers (Arj-en-ville, Genzales…) à la recherche de la personne  la mieux placée pour faire revenir le soleil.

À  travers le récit initiatique de cette jeune fille têtue et obstinée, émergent les histoires d’une kyrielle de personnages attachants, fascinants et au caractère distinct : Crépuscule (l’ombre, symbole de la peur) Aube (la gardienne de la foret des On-dit), Venus (l’ange de la beauté), Famos (le plus populaire des hommes) , Noé (l’homme le plus riche du monde et de tous les temps), Ilra (La magicienne), Momo (le pêcheur céleste) Bérat (le sonneur du soleil),  Cinno (qui, par son humour, rappelle légèrement le chat dans Maitre et Marguerite de Boulgakov). Et tout le long de ce roman à l’allure de conte, d’une imagination débordante, les histoires des différents personnages s’amplifient et dépassent le cadre de leur individualité pour devenir  rapidement celles de l’espèce.

« Chantons ensemble
Quelle que soit notre taille
Que s’y mettent les enfants
Pour que bouge la montagne
Pouvoir passer
Du carré à l’ovale
Sans rien casser
 
Et la joie est totale, Ch. Ilra

« – Mais tu sais bien qu’il (le soleil) se cache là-bas.
Rosie regarde dans la direction avec incertitude

  • Comment tu sais ?
  • Tu sais bien ! Les plantes le savent depuis toujours. Aube »

Parce que le soleil s’est endormi

Les réveilleurs de soleil est un magnifique premier roman plein d’humour. Le  livre, sans à-peu-près et sans ambages, peut être taxé  de coup de maitre. Il s’agit d’un roman écologique sur la transmission, sur l’harmonie subtile des multiples éléments qui constituent l’univers et sur la beauté incommensurable du vivre-ensemble : « sans vous (le soleil), moins de lune, moins de chaleur, moins de nourriture, moins de bonheur, moins de joie. Moins d’amour, Ch. Le message » ; Tu (Rosie) n’étais pas encore prête à ce moment-là, je l’ai lu dans l’akasha (Ch-Le brouillard) ;  «L’ombre d’Aube et de Crêpe (Crépuscule)  se découpe d’une manière de plus en plus distincte, leur danse ressemble au ballet d’une tempête au ralenti, Ch. Le réveil ».

Ce roman est une allégorie du soleil qui postule une puissante leçon morale : la plus belle carte de noblesse de l’existence humaine, hors de toute individualité monstrueuse, serait de chercher ensemble, obstinément, la lumière. Cette lumière peut prendre la forme de l’altérité, de l’entre-aide,  de la sagesse, de la protection de la forêt et de la rencontre des êtres dont tout, à priori, les sépare. Cette lumière est aussi une invitation à sortir de la solitude et de faire famille. Sortir de sa zone de confort pour rencontrer l’autre parce que nous partageons, tous les humains de la terre, un commun destin qui nous lie. Un destin que nous partageons avec le soleil, les arbres, la lune, les bêtes et les choses.

« – J’y  ai appris tout ce que je sais des plantes, ça au moins je l’ai. Je savais qu’un jour  ou l’autre je perdrais la vibration, cette vibration qui te permet de faire de la forêt  ta maison, de toujours savoir où est le Soleil même quand il est couché, de garder le lien, prendre la place de ce chaînon manquant entre l’être humain et la nature. Je l’avais, ce lien, ta mère aussi. Maintenant, il t’a été transmis, et heureusement pour tout le monde. Cette vibration est un don, nous la possédons depuis cinq générations, Ch. Le réveil. »

Cette allégorie part du soleil, de la disparition du soleil, pour dire la fragilité de la famille humaine. Cette allégorie du soleil, de ses réveilleurs de soleil, est un appel au voyage et une aspiration au mouvement.

Carl Pierrecq

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