La musique world fait son chemin : évolution et état des lieux.
» On ne saura jamais comment est née l’émission. Il y a tellement de gens qui en réclame la paternité ! Chose certaine, elle est l’aboutissement de multiples demandes. Pierre Marchand, le fondateur et directeur général de MusiMax, est un enfant du rock. À ce titre, il écoute tout ce qui va des Beattles à Zap Mama. Dans ce contexte, il était impossible d’oublier la musique du monde. Mais la vision originelle était très afro alors qu’avec le temps et les demandes des téléspectateurs, on réalise que la programmation couvre maintenant le monde entier.
La diffusion de clips de groupes locaux est laissée à la discrétion du programmateur, dans le respect des quotas de contenus canadiens et francophones. À ce titre, je fais cohabiter les stars les mieux nanties et les locaux qui ne disposent d’aucuns moyens. Le mélange permet d’offrir une palette plus variée qui satisfait une plus large variété de public. D’ailleurs, le monde est tellement vaste que ça tient du miracle de parvenir à équilibrer le tout !
Ce qui est intéressant c’est de constater un changement dans la définition de la musique du monde. Dans le fond, il s’agit de toute forme de musique qui n’est pas interprétée dans l’une des deux langues officielles. Dans le même esprit, aux États-Unis, dans les bacs world des disquaires, on trouve Édith Piaf, Lara Fabian, Nusrat Fateh Ali Khan et Salif Keita : aucun ne chante en anglais ! Ici, nous procédons de la même dynamique.
Mais cette année, il y a eu deux phénomènes marquants : Tassez vous de d’là des Colocs a été sacré succès de l’été. C’est un franc reggae avec le refrain interprété en wolof. Idem du côté de Rude Luck qui avec Solitude dans la ville s’est offert le luxe de reprendre sur un rythme de compa haïtien un sacro saint succès d’Harmonium. Ce sont deux exemples cohérents d’intégration musicale qui se programment aisément dans un contexte de rythmes du monde et qui prouvent l’évolution du genre et sa grande ouverture.
Il faut faire attention quand on émet des pronostics. On ne sait jamais d’où va arriver la nouvelle vague. Actuellement, la situation globale n’est pas resplendissante a priori mais les groupes haïtiens remplissent des salles immenses chaque fin de semaine : Éros Ramazotti s’est installé devant les 17 000 spectateurs du Centre Molson ! Dans la même veine, Tuco Bouzi a troqué sa batterie contre la casquette de producteur et a exporté près d’une vingtaine d’albums de compa en France et aux Antilles, albums sur lesquels on retrouve la crème des musiciens world accompagnés pour l’occasion de la crème des musiciens traditionnels québécois au violon, à l’accordéon ou à la basse. Et puis Louise Forestier était la marraine du dernier Nuits d’Afrique. Ce sont autant de signes importants qui confirment que le mouvement d’intégration se poursuit de manière plutôt harmonieuse même si le chemin est encore long ! «
Ralph Boncy : journaliste. Animateur et programmateur de l’émission Rythmes du monde sur la chaîne MusiMax. Ex-directeur artistique et manager d’Émeline Michel.///Article N° : 706