Rapper l’Afrique

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Le rap africain ? Ben oui, ça existe et « c’est trop d’la balle, ça déchire sa mère ! »

Le collectif Stay Calm ! et l’association Survie, lors d’une soirée Rap Afrique Politique, le 19 novembre à Saint-Ouen, à l’espace « Main d’Oeuvres » a éclairé la lanterne des néophytes.
Une petite conférence-débat a permis de faire la connaissance de deux groupes de rap maliens : Lassy King Massassy et Tata Pound, ainsi que celle du chanteur sénégalais Shaman, du groupe lyonnais la Razzia. Lassy rappe depuis 15 ans : ça lui est venu en écoutant les groupes américains. Il a aussitôt senti que leur « flow » (débit rapide) était un mode d’expression qui lui convenait et « parlait » aux jeunes, même s’ils n’en comprenaient pas les textes. Une idée chère à « Brother RZA » (du Wu Tang Clan, célébrissime collectif de rappeurs américains), qui estime, à la suite des Public Enemy de la fin des années 80, que le rap est devenu le langage universel de la jeunesse et regroupe des rappeurs du monde entier dans une série de disques1 Les Tata Pound s’ancrent dans la tradition de leur pays : Tata est le nom d’une fortification défendant la ville de Sikasso (sud du Mali) contre les envahisseurs, tout en s’installant dans le monde d’aujourd’hui – « Pound », c’est le fun…
Quant à Shaman, lorsqu’il a débarqué du Sénégal en France, il a pris une grande claque en voyant qu’il y avait des Blancs qui faisaient la manche et dormaient dans les rues. « On ne nous montre pas ça à la télé, tout à l’air super, avec plein de belles femmes partout. Si on nous montrait la réalité, ça éviterait aux Africains de venir se faire tuer à Ceuta et Mellila. » D’ailleurs, les impudents Tata Pound ont écrit « Exodus », une chanson qui demande aux Africains de revenir au pays, car « l’Afrique ne peut se construire sans eux. » Ils ajoutent que transformer la Haute-Volta en Guinée-Bissau, par exemple, n’en a pas fait un État pour autant. Ces Maliens ne manquent pas d’air : ils veulent rien moins que conscientiser les jeunes à qui ils s’adressent – en Bambara – sur les problèmes de mariage forcé, excision et protection contre le sida ! Sur scène, ça dépote ! Massassy débute en rappant sur le magnifique « Ananamina » de Salif Keita, continue avec « Mali S.A. » et intercale des proverbes, genre « Quand dieu veut humilier un chien, il lui fait une blessure à la tête pour qu’il ne puisse pas se lécher. » Les Tata enchaînent avec « Dirigeants dirigés », qu’ils ponctuent d’un autre proverbe : « Quand un homme est trop grand, il ne faut pas se baisser pour lui lécher le cul. »
La Razzia sort bientôt un disque. Pour les autres, ce n’est pas gagné, même si Salif Keita et Tiken Jah Fakoly les soutiennent. Le « grand frère » Didier Awadi, membre du légendaire groupe sénégalais Positive Black Soul (qui enregistra avec MC Solaar) et reçut le prix RFI Musiques du Monde en 2003, a ouvert la voie. Il chante avec Tiken « Chasse le pouvoir » et son dernier CD vient de sortir. Le mot de la fin ? Le rap africain va se faire entendre. « Si une petite île comme Cuba ou un pays comme la Jamaïque arrivent à inonder le monde de leur musique, il n’y a aucune raison qu’un continent comme l’Afrique ne le puisse pas. » C’est Awadi qui le dit. Si, si.

The World According to RZA (Virgin. 2003)
Didier Awadi : « Un autre monde est possible » Sankara/ treerecords/ Codaex.
En concert : le 27 janvier 2006 à la Maroquinerie, 23 rue Boyer. Paris 20e///Article N° : 4167

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