J. M. Coetzee n’était pas un enfant comme les autres dans la cité de Worcester que ses parents avaient rejoint après avoir quitté Le Cap. Son père venait de perdre son job d’avocat. Il n’était pas comme les autres pour de multiples raisons : parce que sa mère voulait faire du vélo alors que c’était une activité d’hommes ; parce que son père lui faisait les gros yeux mais ne la battait jamais, alors que dans les autres familles et à l’école le fouet était de rigueur ; parce que dans la cellule familiale son père paraissait être une simple pièce rapportée alors que sa mère « pourtant terre à terre » jouait le rôle essentiel. Il n’était pas comme les autres, parce qu’il s’est noyé un jour chez les scouts mais n’est pas mort pour autant et parce que chez lui personne ne lui a jamais appris qu’elle différence il y avait entre un catholique, un chrétien et un juif ; parce qu’il découvre petit à petit les violences gratuites, la haine stupide des différences, la discrimination raciale, la brutalité du regard et du geste des Afrikaners…
L’enfant n’était pas comme les autres, parce qu’ il n’aimait pas le père gagné par la débandade et repoussait l’affection étouffante de la mère qu’il a juré de laisser à jamais à l’écart de ses tourments et de ses questionnements…
Tout cela allait faire de lui un enfant à double facette : élève modèle à l’école et fils dictatorial à la maison. Cet enfant éternellement sur ses gardes, nourri de solitude, finit par se forger un regard d’une efficacité impitoyable sur le petit monde qui l’entoure et qui n’est, il s’en convaincra avec le temps, que la réplique du monde réel. Le monde de sa future vie d’adulte. C’est pendant cette enfance si particulière que J.M. Coeetze a sans doute assis les arguments de son avenir d’écrivain de talent.
