Rencontre de la parole et de la matière, rencontre éphémère comme l’est la vie, comme l’est aussi le théâtre. Cette rencontre qui unit une mère et une fille, une conteuse et une plasticienne, a été mise en scène et presque chorégraphiée par Nicolas Buenaventura Vidal, homme de théâtre colombien qui connaît bien l’art du conte, homme de voyages aussi et de rencontres justement qui partage sa vie entre l’Amérique latine, les Etats-Unis et la France. Et ce spectacle est plus que jamais un voyage. Nous traversons le temps d’une représentation l’aventure d’une création plastique qui se déroule sous nos yeux et à laquelle procède Elodie Barthélémy, la fille, qui compose au sol une fresque avec du sable blanc qu’elle répand telle une semeuse ou une marchande de sable, tandis que Mimi Barthélémy, la mère, convoque sur le plateau contes et récits de trépas dont l’humour et la tendresse rassurent et apprivoisent la mort. Sable et mots qui préparent au grand sommeil et arrachent à la grande faucheuse son masque monstrueux pour mettre à jour ses traits naturels et familiers. Parole et poussière, parole qui monte, monte, monte au ciel, tandis que le sable se dépose doucement au sol, parole qui s’évapore, mais laisse derrière elle le sel de la vie, les traces du passage. Ce spectacle n’est pas un spectacle sur la mort, mais un éloge du passage et de la transmission, une vision poétique aussi de la sédimentation de la mémoire. C’est un voyage métaphysique que Mimi Barthélémy nous propose, un voyage au coeur du dialogue avec le monde de l’au-delà, et c’est un voyage magique et drôle où l’on rencontre une vieille iguane qui rentre au pays, des flamands roses, une vieille fille effarouchée, un fils à sa maman et surtout toute la gouaille créole de la Caraïbe qu’interprète comme à son habitude une Mimi Barthélémy toujours aussi pétillante qui transmet sa bonne humeur et son amour de la vie. Sable blanc et plateau nu, océan et horizons des îles, ce sont les magnifiques yeux turquoises de Mimi qui tiennent son public et ne le lâchent plus.
La Chapelle du Verbe Incarné
scénographie : Elodie Barthélémy
composition musicale : Amos Coulanges
lumières : Renaud de Manoël
costumes : Clémentine Barthélémy
production : Compagnie Ti Moun Fou / Haïti
avec Mimi Barthélémy et Elodie Barthélémy
Lire l’entretien avec Mimi et Elodie Barthélémy sur africultures.com///Article N° : 1901