Ya Amar d’Egyptian project

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Avec leur album fraîchement sorti, Ya Amar, le groupe métissé Egyptian Project, mêle aux sonorités du Delta du Nil les ambiances du trip-hop, de l’électro ou de la musique classique. Sur scène, il offre un beau moment de fusion réussie entre les mélodies des deux rives de la Méditerranée, avec un résultat parfois proche de la musique de transe, entre solos de rababa (sorte de violon égyptien) et envolées électroniques. Plongez dans la genèse de cette aventure musicale hors du commun…

Il était une fois un jeune musicien, passionné de voyages. Au cours d’un séjour au pays des pharaons, ce dernier rencontre plusieurs instrumentistes du Caire et s’immerge dans cette culture aux sonorités riches et délicates, dont il s’entiche rapidement. Avant de s’initier à la musique assistée par ordinateur (MAO), il a appris la guitare auprès d’un professeur aveugle, et a donc toujours privilégié la transmission orale de la musique, à l’instar de la tradition orientale. En 2006, il se décide à « recruter » trois artistes connus et très talentueux œuvrant dans le grand orchestre officiel du gouvernement égyptien, qui tourne dans le monde entier : le percussionniste Ragab Sadek, le joueur de rababa Salama Metwally, et le chanteur Sayed Eman, tous trois proches de la soixantaine et musiciens depuis au moins trois décennies. Ils commencent à partager leur art, puis décident ensemble de constituer un répertoire alliant leurs cultures musicales respectives, la tradition et la modernité, et créent l’Egyptian Project. Un voyage vers des contrées encore inexplorées.
« La patience est belle », aime-t-on dire en Égypte. Jérôme Ettinger a donc pris le temps. Lui-même devenu joueur d’arghûl (double clarinette égyptienne en voie d’extinction), il a patiemment construit ce groupe iconoclaste, incorporant récemment au quatuor d’origine Ihab Radwan, joueur de oud (luth arabe) soliste et conseiller artistique pour’Mozart l’Égyptien, et le batteur Anthony Bondu. « Chacun des musiciens a lentement appris à s’adapter à la musique de l’autre. Maintenant que la confiance est là, la sincérité et le plaisir sur scène s’en ressentent », explique ainsi le maître d’ouvrage d’Egyptian Project.
Après quelques années de maturation et de nombreux allers-retours entre France et Égypte, l’alchimie est trouvée. Jérôme Ettinger décide donc d’enregistrer un album, épaulé par deux ingénieurs du son reconnus : Jean Paul Romann (Tinariwen, Lojo) et Rodolphe Gervais (Ray Charles, Idir). La tâche est ardue : il faut marier aux séquenceurs les rythmes baladi ou ayoub des percussions, concilier les envolées du chanteur Sayed Emam et son propre travail vocal contemporain, associer aux programmations électroniques les subtilités de la musique modale et de ses irréductibles quarts de tons… Le tout prendra trois ans, mais les efforts paient. Repéré par le célèbre label américain Six Degrees Record, l’Egyptian Project sort finalement Ya Amar en octobre 2012, aux États-Unis et au Canada. L’accueil médiatique et public est très encourageant. De ce côté-ci de l’Atlantique, le projet reçoit également des soutiens de poids :  [RFI] diffuse ses titres à la radio dans tout le monde francophone, la [BBC] y consacre un reportage et les  [Inrock] une présentation enthousiaste.
En parallèle du travail en studio, la formation écume aussi les scènes de France, d’Égypte et de Navarre. À Paris, elle joue notamment au festival « Quartier d’été » et au Grand Palais (pour l’exposition Trésors engloutis d’Égypte). Autre fait d’armes, un passage au Paléo Festival de Nyon, en Suisse, devant près de 3 000 personnes. En février dernier, le groupe effectue une nouvelle tournée en Égypte. Comme à chacune de leurs apparitions là-bas, l’accueil est émouvant : « le public est composé à plus de 90 % d’Égyptiens, ce qui est très gratifiant. On ne veut surtout pas se retrouver devant une audience exclusivement composée d’expatriés ! »
Médiation culturelle
Autre volet important du « project » : la médiation culturelle. Le public peut, par exemple, plonger dans l’univers visuel et musical d’Egyptian Project au travers de l’exposition multimédia Take Caire qu’ils ont réalisée et qui accompagne régulièrement leurs tournées. Les musiciens donnent aussi des concerts pédagogiques, pour faire découvrir la culture égyptienne et les instruments traditionnels. Jérôme Ettinger organise également des ateliers et des stages de pratique musicale. Au programme : rababa, chant oriental, percussions égyptiennes, oud et MAO. Cet aspect est cher au cœur du groupe : « on défend un droit à la musique pour tous. On joue aussi bien dans des hôpitaux psychiatriques que dans des écoles primaires, dans des maisons de quartiers que dans des foyers de migrants, au sein de conservatoires qu’à l’intérieur de prisons. Les musiciens égyptiens adorent ça aussi, montrer leur art dans une proximité différente avec le public. C’est très important pour nous ! »

Si le métissage des musiques est très en vogue ces dernières années, la démarche de Jérôme Ettinger demeure très originale. La plupart des rencontres entre artistes de différents pays sont éphémères, le temps d’un album ou d’une tournée. Seuls une poignée de musiciens audacieux créent ainsi de véritables groupes pérennes enjambant les frontières, à l’instar de l’Interzone de l’ancien guitariste de Noir Désir Serge Teyssot-Gay et du joueur de oud syrien Khaled Al Jaramani, qui jette également un superbe pont au-dessus de la Méditerranée.
Aujourd’hui, après leur tournée en France et la sortie de leur album, Egyptian Project souffle quelques semaines, avant de retourner en Égypte en juin pour travailler avec les trente musiciens de l’orchestre à cordes du Conservatoire national et présenter cette création lors de la Fête de la musique du Caire. Cet été, sept concerts sont planifiés au Maroc. Puis, à la fin de l’année, ils partent pour une tournée dans les Pays de l’Est, avant d’aller présenter leur musique durant un mois aux États-Unis. En résumé, ils vécurent heureux et jouèrent beaucoup de musique…

 [Site internet Egyptian Project]
 [Facebook Egyptian Project]
///Article N° : 11508

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Le groupe Egyptian Project
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