Emblématique en Île-de-France, le foyer de travailleurs migrants de la rue Bara, à Montreuil, héberge depuis près de 42 hommes subsahariens. En 2016, sa réhabilitation est en marche. Reportage à la résidence des Hayeps, première étape du grand déménagement.
Le mars à Montreuil, la rue des Hayeps s’animait d’une clameur peu commune.Pour cause : l’inauguration d’une résidence flambant neuve, nouveau chez-soi pour 42 hommes du foyer de travailleurs migrants, Bara. Cet épicentre de la migration ouest-africaine est, comme une centaine d’autres sites franciliens, un reliquat des politiques de logement d’une main d’oeuvre coloniale, entamées dans les années 1930. Ville ouvrière, Montreuil compte à elle seule 10 foyers, dont Bara, érigé en 1968. Instant historique donc que ce déménagement. Le maire Patrice Bessac ne manque d’ailleurs pas le symbole, offrant des coupures de la traditionnelle banderole bleu-blanc-rouge aux habitants. Devant son appartement, Mamadou Sidibé observe le bal des invités, autour de fleurs disposées ici et là pour l’occasion.
Nous le retrouvons un mois plus tard dans son studio, les fleurs disparues. L’homme de 52 ans regarde la télévision, avant d’accueillir des amis pour le thé. Scène d’un quotidien peu banal pourtant, quand on a vécu ans à Bara. « Je vivais dans une chambre de lits, mais on était . Je me réveillai à h pour travailler, je devais me reposer. Mais je ne pouvais rien dire« . Venu de Mauritanie, il avait repris en le lit de son grand-père. Pour ces hommes venus de Kayes(1), « arrivant un vendredi et trouvant un travail le lundi suivant« , le foyer fut un sas où la vie s’organisait en lien avec le pays, à travers une cuisine collective, des tontines etc. La fermeture des frontières a modifié le peuplement du lieu ces dernières décennies, avec l’arrivée de jeunes sans-papiers, sans liens familiaux au foyer parfois. Les matelas se sont multipliés, débordant la capacité d’un bâtiment vétuste. La réhabilitation du lieu, à l’origine une usine de piano désaffectée, était devenue une urgence. En la Mairie et l’ex-ministre du Logement Cécile Duflot signent un protocole de démolition-reconstruction : les résidents « en titre », et autres dits « surnuméraires » seront relogés sur quatre sites. Hayeps est la première étape. L’ouverture de deux résidences, Voltaire et Étienne Marcel, suivront fi n , avant la réouverture de Bara avec 160 places. « Bara c’est comme le personnage tutélaire qui protège le quartier » sourit Claude Reznik, adjoint au Maire, qui veille à préserver la vie collective du foyer, notamment la cuisine, véritable cantine de quartier. Si Coallia, le gestionnaire, ne financera pas la mise en place d’un tel service, la porte semble entrouverte : « Nous n’en sommes pas encore là. Mais les résidents auront une cuisine quelque part » précise le directeur, Franck Calderini.
Mamadou, lui, s’organise autrement pour les repas. Six personnes cotisent, il achète les produits et cuisine pour le groupe, dans sa chambre. Quand certains vont à Bara quotidiennement pour la cuisine et la « mosquée », lui ne s’y rend que le vendredi, pour la grande prière. Soulagé du déménagement, il tique cependant sur des poignées de porte « gâtées », des infiltrations d’eau, déjà, et le silence des techniciens. Enfin, l’homme espère qu’Hayeps ne sera qu’une étape, avant d’obtenir un logement social, pour réunir sa femme et ses enfants en France, et vivre en famille.
(1) RÉGION MALIENNE LIMITROPHE AVEC LA MAURITANIE ET
LE SÉNÉGAL///Article N° : 13600