Between the lines de Ilyes Triki : la figure du penseur

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Inspirée par la sculpture « le penseur » d’Auguste Rodin, la pièce chorégraphique Between the lines questionne le corps qui dans son quotidien se laisse de moins en moins guider par son instinct et par ses émotions. Dans une configuration intimiste, proche du spectateur, le danseur et chorégraphe tunisien Ilyes Triki propose une mise en scène où le corps, devenu lieu de pensée et d’individuation, devient lieu d’action et de sensibilité. 

Présenté à l’Institut Français de Tunis, dans le cadre de la cinquième édition des Journées Chorégraphiques de Carthage, Between the lines prend la forme d’une installation où la frontière entre celui qui regarde et celui qui danse est rompue. 

Lorsque le spectateur entre dans l’espace de représentation, un corps immobile, celui de l’interprète Hazem Chebbi, est placé au centre, dans une posture pensive, entouré de bandes noires qui forment un carré, ou plutôt un cadre, qui renvoie dans notre imaginaire aux encadrements photographiques et picturaux de corps figés dans le temps et l’espace. 

Immobile, à l’arrêt pendant plusieurs minutes, ce corps pensif apparaît déconnecté du reste de son environnement, porté tel un objet par Ilyes Triki. Il est déplacé d’un angle à un autre de la pièce, et parfois posé au milieu des spectateurs qui les entourent.  Devenu objet d’exposition, ce corps n’est pas autre chose que le corps. Il perd toute signification symbolique, coupé de ses sens et de ses émotions. 

Accompagné par le musicien Imed El Hamdi, la pièce alterne moments de silence et de mélodies qui viennent rythmer la chorégraphie, et marquer les accélérations et les inversions de postures passant de corps figé à corps en mouvement. Puissants dans les énergies du break-dance et de la danse contemporaine, les deux interprètes dégagent une force interne, repoussant les limites du corps dans les portés et les longues poses.

La scénographie pensée par Fatma Balti comme un lieu d’exposition place aussi le spectateur dans la posture d’une œuvre. Plusieurs cadres vides sont disposés dans l’espace. Les corps-spectateurs deviennent à leur tour des corps dont les contours ne se fondent plus avec l’environnement et la communauté, mais sont séparés du reste.

À travers la figure du penseur, le chorégraphe Ilyes Triki nous interroge sur la conception rationnelle du corps, sur l’extrémisme de la pensée, dans une mise en scène poétique et sensorielle qui nous invite à une réflexion commune. 

Deicy SANCHES

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