Traduite en anglais, en allemand, en italien, en américain… Bintou de l’auteur ivoirien Koffi Kwahulé a déjà fait le tour de l’Europe et a même été mise en espace à New York puis montée par Leah Gardiner au MacGinn/Cazale Theater de New York off Broadway en 2001. On se rappelle la mise en scène de Pascal N’Zonzi et Gabriel Garran au Théâtre International de Langue Française en 1997 et la magistrale interprétation d’Aïssa Maiga. Mais depuis, la pièce a été présentée à Berlin en lecture à Baracke du Deutsches Theater, ainsi qu’au Zerbrochene Theater et une création se prépare actuellement à Halle. Daniela Giordano en Italie l’a mise en espace à Gènes en 2000 et cet été à Rome. La pièce vient également d’être créée en juillet 2002 à Londres à l’Arcola Theatre dans la mise en scène de Sacha Wares, après une lecture au Royal Court en 2000.
Jouée quasiment en même temps à Londres, Avignon et Rome, en ce mois de juillet 2002, Bintou est sans doute une des pièces du répertoire contemporain africain qui interpelle le plus le public européen et particulièrement la jeunesse.
Bintou a également été présente durant tout le festival d’Avignon à l’espace Pasteur dans une mise en scène que Vincent Goethals a réalisée avec les comédiens de l’Oiseau-Mouche, une compagnie de jeunes comédiens peut-être pas comme les autres, mais qui en dépit de toutes les difficultés que représente le choix artistique de monter un texte d’auteur, sont parvenus à un niveau de qualité esthétique et d’engagement d’acteur remarquable.
Un plateau nu, des seaux de gravier qu’on lance sur les tréteaux de bois pour convoquer la cité, quelques écorces pour suggérer le sous bois d’un complot qui se trame, des bougies pour l’intérieur d’une église, des bouteilles pour le bar de Nenesse et de grands voiles rouges où s’enroule le corps nu de Bintou avant que la mort ne l’emporte sur ses grandes ailes écarlates… Vincent Goethals a travaillé sur des couleurs et des matières qui se rencontrent et se télescopent. En surgissent des moments d’une grande beauté qui évoquent la peinture de Chagall et l’univers cinématographique de Kusturica, des moments souvent ardents dont la violence et l’émotion sautent à la gorge des spectateurs.
Jeune fille africaine de treize ans qui a grandi sur le béton des cités, en révolte contre l’hypocrisie des adultes, à la tête d’un gang de trois jeunes Lycaons qui l’ont suivie jusqu’aux falaises de l’absurde pour s’arracher à la médiocrité d’un monde sans avenir, parce qu’elle représentait un rêve d’absolu, Bintou rencontre la sanction castratrice des adultes qui s’exprime par l’excision. Mais finalement au-delà du particularisme ethnique, Bintou est une figure de révolte qui séduit toutes les jeunesses et Vincent Goethals ne s’y est pas trompé en proposant ce défi aux acteurs de l’Oiseau-Mouche.
Espace Pasteur
Cie de L’Oiseau-Mouche
texte de Koffi Kwahulé
mise en scène : Vincent Goethals
lumières : Bruno Lequenne
chants : Solo Gomez
chorégraphie : Claire Sauvageon
costumes : Catherine Lefebvre
scénographie : Jean Haas
avec Valérie Szmigielski, Stéphane Hainaut, David Michel, Martial Boulard, Valérie Vincent, Hervé Lemeunier, Florence Decourcelle, François Daujon, Lothar Bonin, Martine Warwzyniak, Frédéric Foulon, Thierry Dupont, Gérard Dold. ///Article N° : 2391