Une bonne dose de dérision et un zeste de nostalgie, c’est le cocktail explosif de Black Dynamite, parodie loufoque des films de blaxploitation. Lehéros éponyme (comme il se doit) est affublé de la moustache de Richard Rountree dans Shaft et de la coiffure de Bernie Casey dans Cleopatra Jones. Il maîtrise mieux les arts martiaux que Jim Kelly dans The Last Dragon (Opération Dragon) et a l’attitude impassible de Fred Williamson dans tous ses films, de Black Caesar à Mister Mean. Véritable caméléon vestimentaire, il endosse des costumes calqués sur ceux de Shaft (cuir et col roulé noir), Superfly (complet uni criard) ou de Goldie et de ses acolytes (fourrures et zoot suit bigarrés) dans The Mack, suscitant le respect général. Ses interlocuteurs et lui-même n’oublient jamais de le présenter sous son patronyme complet, avec cette même prononciation ultra-cool de « dyn-o-mite », à la Willie Dynamite. Des répliques fétiches de la blaxploitation ponctuent le film, notamment le récurrent « Can you dig it » (tu piges ?) tout droit tiré de Shaft puis de ses imitations. Les références spécifiques sont légion, du conseiller pour proxénète de Willie Dynamite au maquereau vampirique qui rappelle Blacula. Black Dynamite est le condensé d’une décennie de blaxploitation.
Le scénario est d’une minceur digne des meilleurs films du genre, l’ironie assumée en plus : Black Dynamite s’associe à la belle militante de quartier Gloria pour reprendre du service auprès de la CIA et remonter la piste des trafiquants de drogue et d’alcool qui inondent les quartiers noirs de leur marchandise de mauvaise qualité. Armé d’un 44 Magnum et d’un nunchaku, il découvre rapidement qu’il est manipulé par le gouvernement au sein d’un immense complot pour anéantir la virilité de l’homme noir, complot qui le mènera jusqu’au bureau ovale du président le moins aimé de ses compatriotes, Richard Nixon dit « tricky Dick ». L’intrigue est prétexte à toutes les bagarres et combats d’arts martiaux, à la visite du maître asiatique, aux scènes de night-club et bien sûr, aux multiples conquêtes de femmes de toutes les couleurs, ravies de partager, de préférence en groupe, la couche de Black Dynamite.
L’effort le plus apprécié des cinéphiles sera bien sûr l’aspect formel, car Black Dynamite reproduit à merveille les costumes extravagants, les coiffures afros, les véhicules rutilants et les décors miséreux des films de blaxploitation. Mais le film joue aussi à reproduire les défauts caractéristiques de ces films, pour beaucoup produits sans le moindre sou par des indépendants. Le jeu d’acteur figé, les erreurs de continuité ou les doublures évidentes ne sont pas imputables au budget néanmoins très restreint de Black Dynamite, d’abord présenté comme bande-annonce pour récolter des fonds, puis tourné en moins de trois semaines et acheté par Sony au festival de Sundance 2009. Les entrées de champ du micro où les parois en carton ne résultent pas d’une économie de moyens, ce sont des références directes à des films que les fans reconnaîtront, notamment Willie Dynamite, dont le style franchement amateur n’enlève rien à son statut de film culte.
Si les références sont infinies, les néophytes n’en seront pas gênés outre mesure, peut-être grâce aux films de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez, sans doute parce que la culture disco des années soixante-dix dépasse le cadre de la blaxploitation. Les gags sont efficaces hors contexte et le public français appréciera le côté politiquement incorrect, alors que le héros se remémore les enfants « chinois » qu’il n’a pas pu sauver au Viet-Nam, accablé par le spectacle de ces petits Américains de six ans ravagés par la drogue, qui se tapent les veines et mendient de quoi se procurer leur prochaine dose.
Black Dynamite est loin d’être la première parodie des films de blaxploitation, genre qui se prête particulièrement bien à cet exercice. Quelques scènes d’Hollywood Shuffle (Robert Townsend, 1987) exploitaient déjà ce thème, repris l’année suivante dans la première parodie des frères Wayans (auteurs de Scary Movie, White Chicks [lien africultures],etc.), I’m Gonna Git You Sucka (1988), qui déployaient tous les éléments narratifs, stylistiques et métafilmiques repris dans Black Dynamite. C’est également le cas de Pootie Tang (2001) et Undercover Brother [lien africultures](2002), autant de films qui réussissent à combiner la franche comédie et une réelle réflexion sur l’impact des films de blaxploitation pour la communauté noire, en quête de modèles mais soucieuse de l’image véhiculée par une industrie qui « exploite » un filon lucratif. C’est indéniablement ce qui manque à Black Dynamite pour en faire un film entièrement réussi, entraînant des longueurs difficilement compensées par des gags pourtant excellents dans l’ensemble.
Black Dynamite n’en reste pas moins un divertissant hommage à la blaxploitation, véritable cinéma de seconde classe trop longtemps dénigré, qui a marqué tout une génération par son outrancière énergie.
///Article N° : 9134