Black Panther, de Ryan Coogler

Un super-héros pétri d’histoire-fiction

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L’univers Marvel semble infini et si on lui ajoute celui de DC Comics, les super-héros américains sont un nombre incalculable, tous et toutes différentes par leurs pouvoirs, leurs passés, leurs motivations. Et pourtant, la diversité n’est pas au rendez-vous avec 70% d’hommes (comicsalliance.com) et 99% de blancs (à vue de nez).

Black Panther apparaît pour la première fois en bandes dessinées en renfort des Quatre Fantastique en 1966. Tout dans l’histoire de ce personnage imaginé par Stan Lee a des résonances politico-historiques. La Panthère Noire est africaine, de son identité civile T’Challa, roi de Wakanda, une micro-nation d’Afrique cachée de tous, rendue puissante par la possession de Vibranium, matière première héritée d’une chute de météorite.  Le roi est initié au pouvoir de la panthère noire par l’ingurgitation d’un breuvage à base de plantes irradiantes. Les prouesses technologiques de la nation, très en avance sur celles de l’Occident, sont le fruit d’une stratégie précise : la vente d’échantillons à prix fort a permis de financer l’éducation à l’étranger de l’élite wakandienne pour revenir développer le pays. C’est toute l’histoire de la colonisation qui est inversée pour imaginer une nation qui n’aurait pas été pillée de ses forces humaines et minérales.

Le sort voulu que la Panthère Noire imaginée par Stan Lee soit née la même année que le parti auquel, jusqu’au 14 février 2018 tout du moins, l’animal était plus fréquemment associé dans les esprits. Toute influence mutuelle est incertaine et on peut supposer que le créateur de la bande-dessinée ne connaissait pas le parti black power puisque la panthère fut momentanément rebaptisée « Black Tiger » pour éviter toute confusion. L’adaptation de 2018 fait fi de ces genèses indépendantes et relient directement le super-héros au mouvement dont ses aînés seraient en fait partiellement à l’origine mais que son père aurait abandonné pour se consacrer à son propre peuple. Le film Marvel exploite le filon à merveille pour fantasmer un pays africain à la fois prospère, à la pointe de la technologie et ancré dans des traditions communautaires saines et gardiennes de la paix, mais tiraillé par son devoir de venir en aide à tous les opprimés de la terre.

Ryan Coogler crée de nombreux personnages féminins qui, bien que secondaires, brillent par leur intelligence, leur humour, leur courage et leur force, sans voler la vedette à T’Challa qu’elles poussent néanmoins à partager avec le monde la sagesse de Wakanda contre la cupidité des blancs (la dernière scène permet de douter de sa réussite ou, en tout cas, de supposer que des obstacles l’attendent…). Un personnage blanc vient racheter tous les autres et Ryan Coogler a encore la bonne idée de ne pas le laisser tirer totalement la couverture à lui, comme c’est le cas dans tant de films où la production pose comme condition que le héros noir partage la vedette avec un blanc pour que le public soit au rendez-vous.

Black Panther n’est pas le premier super-héros noir, il y a eu l’anti-héros mi-superman, mi-clodo Hancock (2008), la sulfureuse Catwoman (2004) qui ne fit malheureusement pas flamber les recettes, l’excellent Blade (1998-2004) en vampire métis, Steel (1997) joué par la star de basket-ball Shaquille O’Neal et la même année, Spawn, deux super-productions n’ayant pas trouvé leur public, et enfin les deux premiers super-héros noirs qui ne se prenaient pas pour autant trop au sérieux, le cultissime Blankman (1994) du roi de la parodie de genre, Keenen Ivory Wayans (I’m Gonna Git You Sucka, Don’t Be a Menace to South Central While Drinking Your Juice in the Hood, Scary Movie, White Chicks), et le tout premier, The Meteor Man (1993), déjà frappé par un météorite et qui de professeur de lycée prend en chasse les dealers de son quartier. Autant de super-héros qui ont permis que, aujourd’hui, Black Panther fasse (probablement) un malheur au box-office. Les effets sont impeccables et les images de synthèses de Wakanda feront rêver les geeks comme les activistes. Les fans de James Bond apprécieront Shuri en guise d’agent Q de T’Challa. Mention spéciale à Angela Bassett en reine africaine digne et déterminée, matriarche d’une société futuro-africaine bien imaginée. Et dans la pure lignée des meilleurs films de super-héros, le super-méchant qui menace de détruire ce paradis noir, Erik Killmonger, marquera les esprits par son parcours, sa détermination et son combat perdu pour ses frères.

Black Panther, de Ryan Coogler, avec Chadwick Boseman (T’Challa, Black Panther), Letitia Wright (Shuri), Michael B. Jordan (Erik Killmonger), Angela Bassett (Ramonda), Danai Gurira (Okoye), Lupita Nyong’o (Nakia)

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