Nouvellement arrivé, en solo, sur la scène française avec son album Zoma Zoma sorti le 28 juin dernier, Charles Kely ne fait qu’affirmer une carrière musicale déjà bien remplie. Ancien musicien de Rajery, chanteur et guitariste malgache, il multiplie aujourd’hui les collaborations, notamment avec la Tchadienne Mounira Mitchala. Installé en France, Kely – « le petit » en langue malgache – veut décloisonner la musique malgache avec son style baptisé « Open Gasy », volontairement ouvert sur le monde.
Ce soir-là, au Zèbre (Paris XXe, les 19 et 20 mai derniers), il joue avec le saxophoniste Alain Déboisât de Sixun, le Congolais Émile Biayenda des Tambours de Brazza et Julio Rakotonanahary. La salle est pleine. Sur scène, il arrive discrètement, presque timidement. Et pourtant
Le musicien n’a pas peur de se mettre en danger dès la première chanson avec un solo de guitare et de voix. Une musique puissante qu’il n’hésite pas à faire durer. S’il prend son temps, il ne ménage pas son talent et la technicité des morceaux en témoigne, tout autant que la qualité des professionnels qui l’accompagnent. À 46 ans, Charles Kely se lance véritablement en solo sur la scène musicale, après avoir bourlingué à travers le monde aux côtés de Rajery, le « prince de la valiha », véritable « star malgache » qui a franchi les frontières de l’île pour entrer dans la famille de la « world music ». Avec lui, dès 1996, Charles travaille avec le Label Bleu de Mousset. Le fondateur du festival des Musiques métisses d’Angoulême invite régulièrement Rajery et ses musiciens à son événement annuel. « À Angoulême, je me suis fait beaucoup d’amis. Je m’y suis attaché« , explique le chanteur à la voix douce et posée. Il s’installe donc dans la cité charentaise au cours des années 2000. À la même époque, il commence à reprendre, seul, ses compositions de jeune homme pour les enrichir. « J’ai toujours écrit des chansons sur le quotidien à Madagascar, sur la vie en général. Tout est source d’inspiration pour moi : les films à la télévision, ce que je vois, ce que j’entends et ce que je vis tous les jours« , explique-t-il.
Enfant, Jean-Charles Razanakoto de son vrai nom, chante déjà à l’Église et lors des cérémonies traditionnelles des Hauts-Plateaux, dans la capitale Tananarive où il grandit. C’est là que son surnom « Kely », le petit, se répand parmi ses amis. Sa mère lui offre sa première guitare à 8 ans et il est très vite bercé par les airs folk américains, repris en langue malgache par le groupe Mahaleo dès les années soixante-dix. Il s’y essaie avec ses quatre frères au sein de leur propre groupe les Zana Rotsy dès 1983. De plateaux télévisés en scènes locales, ils diffusent leurs titres. Charles est le compositeur de cette fratrie soudée qui continue de jouer à l’occasion, lors des retours de « Kely » au pays. Au décès de l’un de ses frères aînés, en août dernier, Charles lui a rendu hommage en organisant un concert à Paris avec le répertoire des Zana Rotsy.
Lors de toutes ces prestations solo, il ne manque pas de jouer quelques-uns de leurs morceaux, dont le célèbre Ifarakely – prénom d’une jeune fille, littéralement la « petite dernière » d’une famille. Il l’a travaillé depuis, pour le faire entrer pleinement dans son propre style musical, celui qu’il baptise « l’Open Gasy ». « Je n’ai pas envie d’être mis dans une case parce que je fais de la musique avec plusieurs influences alors je trouvais que ce terme évoquait cette ouverture », explique-t-il. L’ouverture de la musique malgache – gasy étant l’abréviation de malgache – passe une diversité de sons et d’instruments puisée dans les répertoires du jazz, blues, folk, bossa-nova, rock mais aussi les musiques traditionnelles de l’île rouge. Une diversité qu’il entretient par ses multiples collaborations avec des artistes de tous horizons, de la Tchadienne Mounira au percussionniste breton Erwan Guirriec avec qui il tourne en duo guitare-voix-percussions. Mais lorsqu’il chante, c’est toujours en langue malgache, celle où « j’exprime le mieux ce que je ressens », confie-t-il.
Pour son deuxième album – Zoma, Zoma – sorti le 28 juin dernier, Charles Kely a travaillé avec la maison de production indépendante Laterit Production, fondée par Marie-Clémence et César Paes. Producteurs et co-réalisateurs du film sur les « Mahaleo », entre autres, ils marquent une nouvelle fois leur engagement en faveur des voix artistiques contemporaines malgaches.
[site de Laterit Productions]///Article N° : 10408