Djekpa La You

De Dobet Gnahoré

Coup de foudre
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 » Future diva africaine ? « …tel était le sous-titre de ma chronique, déjà enthousiaste, de son précédent cd –  » Na Afriki  » – concluant par ces mots :  » Une nouvelle Miriam Makeba ? Allez le vérifier sur scène !  » (1). C’est fait : l’an dernier, Dobet Gnahoré a été la grande révélation des concerts prestigieux organisés au Cirque d’hiver de Paris par Angélique Kidjo, en mémoire de Miriam Makeba.
Parmi les commentaires en ligne sur notre site (2), tous dithyrambiques, j’ai relevé celui de Louis-Blaise Ongolo :  » la question ne se pose pas : Dobet est déjà une diva panafricaine « . Je l’ai découverte lors de la présentation de son premier album au centre culturel de Douala. Elle y avait donné un concert à cet effet. Sublime, l’artiste sortait presque du néant, pour être adulée par le public camerounais qui se reconnaissait pleinement dans sa musique. Ses chansons sont un condensé des rythmes africains (…)  »
En effet ce troisième album de Dobet Gnahoré est en grande partie, comme les précédents, d’abord le résultat de l’une des rares expériences culturelles  » panafricaines  » réussies, car durable : le  » village Ki-Yi « , créé il y a plus de vingt ans par l’artiste camerounaise Werewere Li-King, dans un quartier (Riviera 2) qui était alors une banlieue d’Abidjan et se retrouve à présent au cœur de cette mégalopole tentaculaire à laquelle elle ne cesse de rendre hommage (cf. la chanson  » Côte d’Ivoire « ).
Elle a grandi dans ce monde à part, cette utopie réalisée sur une colline arborée où soudain l’on n’entend plus ni moteur ni klaxon, que des chants, ceux des humains mêlés à ceux des oiseaux. Une centaine d’artistes, dont beaucoup de gosses récupérés dans la rue, vivent dans ce phalanstère à la fois libertaire et extrêmement autodiscipliné. Le père de Dobet, Boni Gnahoré, remarquable chanteur-tambourinaire, en a pris la direction.
L’une des règles majeures du Village Ki-Yi (qui fête cette année son quart de siècle) fut dès sa fondation d’apprendre et de pratiquer le plus grand nombre possible de langues et de genres musicaux africains. La réussite fut carrément mortelle. Je me souviens encore de mon émotion et de ma stupéfaction, lors de ma première visite, en 1993, de retour de mon premier reportage chez les Pygmées Baka du Cameroun : dans une grande case entourée de sculptures, un chœur enfantin, dont la petite Dobet faisait probablement partie, répétait des chants venus de toute l’Afrique, et interprétait notamment, magnifiquement, une comptine Baka – or bien entendu il n’y avait pas un seul Baka dans la salle !
C’est ainsi que dans ce troisième album, Dobet Gnahoré chante avec une aisance confondante dans une dizaine de langues et fréquente une flopée de styles musicaux en se souvenant de son enfance extraordinaire (le titre Djekpa La You signifie  » les enfants du monde « ).
Dobet a une voix virtuose, capable de faire le tour du monde – elle a déjà commencé – une voix idéale, d’une justesse parfaite, d’une souplesse rare, qui bondit d’un octave à l’autre sans perdre son grain intéressant, son timbre un peu voilé, et cette diction délicieusement fatiguée, somnambulique, qui est la marque de bien des vocalistes abidjanais.
Evinye (Mon enfant, chanté en dioula et en mina) mériterait d’être un tube sur toutes les pistes de danse d’Afrique et d’ailleurs. C’est l’apothéose joyeuse du couple que dans la musique comme dans la vie forment depuis longtemps Dobet Gnahoré et l’élastique guitariste français Colin Laroche de Féline, plus qu’un caméléon.
Leur duo, dans une langue non identifiée et probablement imaginaire, conclut ce disque d’une rare richesse mélodique et linguistique, d’une beauté musicale lumineuse, que devraient écouter en priorité tous les producteurs en herbe (imberbes) qui prétendent faire la pluie et le beau temps dans ce qu’ils appellent la  » world music « .

1 et 2 : africultures.com/php/index.php?nav=article&no=5868&texte_recherche=Dobet%20Gnahor%E9
Djekpa La You, de Dobet Gnahoré, Contrejour
Quelques dates de concerts : les 24 et 25/7 au WOMAD (Malmsbury, GB) ; le 26 à l’Empire Hall de New Castle (GB) ; le 28 au Gateshead (Londres) ; le 29 au Rich Mix (Birmingham) ; le 2/8 à Cagliari (Italie) ; le 6/8 au Festival Africa Bidon (Ardèche) ; le 8/8 à Floreffe (Belgique) ; le 2/9 à Bari et le 3/9 à Padoue (Italie) , le 11/9 à Fismes (Marne) ;le 12/3/11 au Musée du Quai Branly.///Article N° : 9592

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