Dramaturgies contemporaines d’Afrique noire en colloque à Rennes

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Les 8 et 9 mars 2002, à l’initiative de Sylvie Chalaye, les Nouvelles dramaturgies d’Afrique noire francophone furent l’objet d’un colloque. L’université de Rennes 2 et le Théâtre National de Bretagne furent associés pour donner à ces nouvelles écritures la place qu’elles méritent. Une génération d’auteurs qui porte en elle l’héritage culturel de l’Afrique du XXe siècle.

Après les initiatives paternalistes des colonisateurs sous la forme de l’Ecole W. Ponty et l’emprise intellectuelle des Centres Culturels Français, la décolonisation vit naître plusieurs mouvements. Du théâtre « panafricain » aux comédies satirique, la création, en Afrique noire francophone, oscillait entre l’influence coloniale et la recherche d’une identité. Les années quatre-vingt voient naître un modèle beaucoup plus réactif à la période coloniale. baptisé « Théâtre Plus Africain » : il marque, d’après ses protagonistes, un retour à « l’essence » africaine. Plusieurs « genres » apparaissent comme la Griotique, le Kiyi M’Bock, le Didiga, ou le Koteba. Ce théâtre n’a pourtant pas un grand succès en Afrique, c’est en Europe qu’il a le plus d’audience.
A la fin des années quatre-vingt, des auteurs africains dénoncent ce théâtre en proposant d’assumer différemment « l’aliénation  » colonialiste ». Cette fois-ci, l’appellation « Théâtre africain » est sans doute trop réductrice pour définir ces écritures. Sans doute pour la première fois, ces dramaturgies ne se situent pas dans un moule identitaire. Cette génération d’auteurs, si elle se ne se réclame d’aucune école, tranche avec le passé par la diversité des individualités qui la compose et par des œuvres qui questionnent l’écriture théâtrale contemporaine dans sa structure, sa langue et sa vision du monde.
C’est avec un esprit de curiosité que les auditeurs ont abordé ces deux journées. L’organisatrice Sylvie Chalaye parlait d’ailleurs de « voyage » dans ces Écritures. Ce premier colloque le proposa en quatre étapes : « Dramaturgie de l’entre-deux », « Un théâtre de la subversion », « Oralité : avatars et réminiscences » et « Ecritures politiques, politiques des écritures ».
Les qualités « hybrides » d’un tel théâtre furent soulignées dans différentes interventions. « L’arrachement historique et culturel qui a traversé l’identité africaine » fut évoqué dans une intervention. Un choc identitaire que Laurence Barbolosi attribuait à « l’accélération de l’histoire » que subit le continent africain au XXe siècle. L’image de la mangrove, terre forestière marécageuse, mélange entre la vie et le pourrissement, est pour les Antillais une métaphore de leur rapport à la culture. Koffi Kwahulé parle du « syndrome de Frankenstein ». Autant d’images qui soulignent le flou identitaire d’une telle inspiration et la force d’invention que cela procure.
Ces écritures sont également particulières dans leur mise en forme théâtrale. La mise en parallèle avec le jazz définit par Gilles Mouëllic fut sur ce point intéressante. Ces nouvelles dramaturgies ont en commun avec ce genre musical une remise en cause de l’écriture académique. Jaz, de Koffi Kwahulé, mis en espace par Serge Tranvouez le soir au Théâtre national de Bretagne en fut un remarquable exemple. Un texte qui semblait suivre un thème récurrent sans se plier à une construction linéaire. L’actrice Paya Bruneau, accompagnée d’un contrebassiste, portait ce texte avec l’énergie d’un soliste. Outre ce parallèle avec le style musical, la rupture avec la trame classique fut soulignée comme une composante importante de ces nouvelles dramaturgies.
Quelle place est accordée en Afrique au théâtre africain ? La question fut abordée par Lisa Mac Nee sous l’angle de l’ingérence intellectuelle des Occidentaux dans le théâtre en Afrique. Un sujet controversé qui amène des questions : cette présence, ne provoque-t-elle pas une autocensure des artistes africains ? On pense en effet à différentes initiatives peu concluantes, comme la tournée de Royal de Luxe, en 1997, au Cameroun.
La découverte de ces auteurs offre tout d’abord la sensation d’assister à la renaissance de l’écriture théâtrale. Le vide qui particularisait ce domaine dans les vingt dernières années semblait ne pouvoir être comblé que par des dramaturgies réellement novatrices. Il reste maintenant aux théâtres d’ouvrir d’avantage d’espaces aux textes contemporains. Les théâtres subventionnés vont-ils montrer l’exemple ?

///Article N° : 2403

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