« Le processus mené par la Commission Vérité et Réconciliation a contribué à la réconciliation, à la guérison de notre nation. Elle a permis que la vérité des faits sois mise en lumière, sûre que l’ignorance et le mensonge exacerbent le ressentiment des victimes. »
Mgr D. Tutu
Au mois d’octobre dernier, la Cité des Livres d’Aix-en-Provence accueillait une rencontre des écrivains sud-africains, noirs et blancs. La qualité de l’organisation contribua à une impressionnante profondeur dans les échanges. Bien sûr, ces écrivains se posèrent la question de la mémoire de l’apartheid et du contenu futur de leurs écrits. Nous y reviendrons dans notre dossier sur les Afrique du Sud méconnues du prochain numéro d’Africultures. Mais retenons pour le moment ce que constatèrent ces écrivains lors de leur séjour en France.
Les pays européens – Suède, Hollande , France – financent le grand déballage historique que représente la Commission Vérité et Réconciliation, où se disent enfin les horreurs perpétrées par l’apartheid. La Belgique a même fourni une structure d’interprétariat. La Commission, remarquait Antje Krog, est envahie de journalistes et d’experts occidentaux venus documenter cet événement historique : un peuple se penche sur son passé. Mais le font-ils eux-mêmes ?
Denis Hirson racontait que lorsqu’il a quitté l’Afrique du Sud en 1973, il avait l’impression que l’Histoire s’était figée. Au contraire, à son arrivée en Europe, il découvrait une société en plein mouvement d’interrogation sur elle-même. Aujourd’hui, c’est l’inverse : » On dirait que l’Histoire danse en Afrique du Sud, disait-il, alors que le procès Papon est traité ici comme une archéologie du passé. «
Njabulo Ndebele venait d’indiquer que la mémoire des Noirs sud-africains était celle d’un peuple continuellement déplacé et qu’il s’agissait aujourd’hui de trouver une stabilité en se basant sur son expérience. Et que fait l’Afrique du Sud pour interroger son passé ? Elle commence par se déstabiliser en ouvrant les archives et en laissant parler les victimes !
Quelle leçon, une fois de plus, pour une France qui a tant de mal à se pencher sur les coins obscurs de sa propre mémoire, condition pourtant nécessaire pour empêcher l’Histoire de bégayer ! Ce dossier sur l’image de l’Autre est à comprendre sous cette exigence : contribuer à l’introspection nécessaire de la mémoire tant africaine qu’occidentale, tenter de déconstruire les représentations qui figent encore l’image de cet indigène devenu l’Autre et l’immigré.
Mais ce travail ne peut en définitive être du côté occidental qu’un accompagnement, car seuls les créateurs africains peuvent, en refusant les projections qu’ils subissent et non sans regarder les contradictions en face, par ce subtil jeu de d’agressivité et de pacification dont nous parle ce dossier, produire leurs propres images.
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