El Manara

De Belkacem Hadjadj

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Trois jeunes partagent un appartement à la Jules et Jim. Quand on lui demande lequel de Fawzi et de Ramdane elle aime le plus, Asma répond qu’elle en aime un troisième : Ramzi. Cette amitié presque fusionnelle va éclater avec la plongée de l’Algérie dans le drame qui se précise avec les événements d’octobre 1988. Le film se fait volontiers documentaire, ponctuant par des encarts et des images d’archive l’enchaînement qui conduira à la victoire du FIS aux élections et l’interruption du processus électoral. Alors que le journaliste Fawzi et l’étudiante Asma défendent ardemment la démocratie, Ramdane vire vers l’intégrisme. Il voit dans le FIS une solution pour renverser le pouvoir en restant proche de l’islam. Hadjadj ficelle ainsi un scénario-palette à l’image des couleurs politiques qui s’affirment.
Dans la première partie, il s’emploie à montrer qu’il n’y avait pas d’alternative : « S’ils prennent le pouvoir, c’est l’enfer », et à témoigner de la résistance dans les différentes couches de la société. Dans la deuxième partie, à partir de la capture d’Asma et Fawzi par un barrage islamiste, il dresse un tableau volontairement démonstratif de la barbarie, de sa surenchère et de ses conflits internes. Comme on peut l’imaginer, Asma et Fawzi retrouvent Ramdane passé au maquis mais qui prendre conscience peu à peu.
Un scénario prévisible donc, sur des faits déjà connus. Le cinéma les a déjà traités : Rachida de Yamina Bachir-Chouikh et surtout L’Autre Monde de Merzak Allouache qui met lui aussi en scène le maquis islamiste. L’intérêt de El Manara est qu’il bénéficie d’une véritable épaisseur des personnages mettant en lumière un aspect souvent négligé : le devenir des trois protagonistes montre clairement à quel point la situation algérienne a pu signifier un triomphe de la dualité. Ne pas soutenir l’intégrisme voulait dire être pour le pouvoir et vice-versa, sans position intermédiaire ou nuancée, et cela jusque dans la sphère familiale (le frère d’Asma, Yacine, devient lui aussi activiste islamiste).
En cela, le film atteint son but : provoquer le débat et la réflexion sur un vécu que l’on a tendance à occulter et vouloir oublier, pour empêcher que cela recommence. Mais cette volonté de témoignage et cette insistance sur la continuité de la menace intégriste trouve ses limites dans le souci d’efficacité d’une mise en scène démonstrative plombée par une musique dramatique. Ici encore, on rêve des métaphores qui auraient pu exprimer cinématographiquement les choses, au-delà de personnages en opposition et de reconstitutions historiques. La référence aux masques blancs, finalement accrochés au mur comme le souvenir d’une solidarité révolue, dénote ainsi une certaine théâtralisation du scénario et de la façon de penser les personnages.
Autre distance : la vision de l’armée. Face à l’explosion de Fawzi qui voudrait punir Ramdane, elle reste présentée dans le film comme une force morale et intègre, sans mention des contradictions qui peuvent la traverser.
Reste la perspective du Manara, rituel de fête condamné par les intégristes mais mis en avant comme un moment de tolérance et d’affirmation des valeurs de l’islam.

///Article N° : 3576

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