Elizabeth Costello

De J. M. Coetzee

Coetze : être un autre
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Elizabeth Costello, le dernier titre de J. M. Coetzee, Prix Nobel 2003, est un roman sur le roman.

Elizabeth Costello commence par ces phrases laconiques :  » Il y a tout d’abord le problème de l’ouverture, c’est-à-dire comment nous faire passer d’où nous sommes, c’est-à-dire en ce moment nulle part, jusqu’à l’autre rive. C’est une simple affaire de pont, il s’agit de bricoler un pont, ni plus ni moins.  » L’autre rive, celle de la fiction. Sans plus d’artifices, J. M. Coetzee fait traverser le pont :  » Admettons que le pont est jeté, qu’on l’a traversé et qu’on peut cesser d’y penser. Nous avons quitté le territoire où nous nous trouvions. Nous sommes de l’autre côté, sur le territoire où nous voulons être.  » Et le récit d’Elizabeth Costello commence. Coetzee plante quelques repères de façon toute aussi laconique : écrivain, née en 1928,  » a écrit neuf romans, deux recueils de poèmes, un livre sur la vie des oiseaux et d’innombrables articles de journaux « ,  » australienne de naissance « .
Costello a un peu de Coetzee en elle. Comme lui, elle déteste les apparitions publiques, évite les entretiens et se plie par obligation à l’exercice ennuyeux des conférences universitaires. Ce sont ces huit conférences qui constituent la trame du roman, dont le sujet est… le roman.
Qu’est-ce que la fiction, qu’est-ce que l’acte d’écrire ? Elizabeth Costello pose des questions, commente d’une voix ironique et lucide, comme dans le chapitre intitulé  » Le roman africain  » :  » … le roman africain n’est pas écrit par des Africains pour des Africains. Il se peut que les romanciers africains écrivent sur l’Afrique, sur des expériences africaines, mais il me semble que, pendant qu’ils écrivent, ils n’arrêtent pas de loucher vers les étrangers qui les liront.  » Par conséquent :  » …comment pouvez-vous explorer un monde dans toutes sa profondeur si en même temps vous devez l’expliquer à des étrangers ? C’est comme si un savant devait donner toute son attention créatrice à ses recherches, tout en expliquant en même temps ce qu’il fait à une classe d’étudiants ignares.  » De quoi faire méditer…
Les questions d’Elizabeth Costello sont confrontées à d’autres, ses contradictions sont mises à nu. Elle n’essaie pas les esquiver, avoue être  » l’une et l’autre « ,  » être une autre « . Que peut l’écriture devant le mal ? Rien, semble-t-elle dire, elle qui  » ne croit plus que raconter des histoires est une bonne chose en soi « , qui,  » telle qu’elle est aujourd’hui « , choisirait de  » faire le bien  » plutôt que de raconter une histoire. On espère toutefois que Coetzee, lui, continuera à nous en raconter d’autres…

Elizabeth Costello, de J. M. Coetzee. Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Catherine Lauga du Plessis, éd. Seuil, 312 p., 21 euros.///Article N° : 3648

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