Face à l’Assemblée, « les 577 » réclament une représentativité politique plus diverse

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Dix députés de la diversité aux élections législatives du 17 juin 2012. 10 sur 577. Bien, mais peut mieux faire. C’est ce qu’exprimait déjà entre les deux tours un collectif d’associations et de citoyens. Femmes, habitants de quartiers populaires ou de zones rurales, personnes en situation de handicap, citoyens de couleur : anticipant le déficit de représentativité politique des minorités, le collectif « des 577 » avait décidé de se mobiliser. Face à l’Assemblée, jeudi 14 juin, ils ont donné de la voix. Retour sur cet événement.

Cités en Mouvement, An-Noor, Conseil des Quartiers Français pour la Diversité, Rythme Tout Terrain, Presse et Cité, Afrikidees, Noisy Projekt, Brise de Conscience, Ensemble pour Saint-Ouen… les associations de quartier composant le collectif sont nombreuses. Et s’ils n’étaient pas 577 jeudi 14 juin sur la place de la Concorde, ils ont su faire entendre leur voix. Ce qu’ils dénoncent ? L’homogénéité actuelle de l’Assemblée Nationale : « On y voit surtout des hommes, blancs, d’un certain âge et d’un certain milieu social, et ces personnes-là ne sont pas en phase avec la réalité, avec ce qu’il se passe dans les quartiers populaires ou dans le monde rural », explique Bocar Niane, initiateur du rassemblement et militant au sein de l’association Ensemble pour Saint-Ouen. « Ce qu’on voudrait, c’est un peu de proportionnelle lors des élections, ou avoir une partie de citoyens qui peuvent siéger à l’Assemblée, porter concrètement des idées, dans le cadre d’une démocratie représentative. Les gens issus des quartiers populaires, les citoyens lambdas doivent pouvoir s’exprimer sur la France qu’ils souhaitent voir émerger ».
Sihame Assbague, citoyenne membre du collectif, affirme qu’elle votera blanc au scrutin législatif : »Je voterai blanc faute de ne pouvoir voter d’une autre couleur, sociale, politique, culturelle. Je voterai blanc car je me refuse à contribuer à la reproduction du même schéma inégalitaire et non représentatif, qui place constamment au sommet de l’État les BBA : les Blancs Bourgeois Apparatchiks. Où sont les femmes ? Il paraît qu’elles pourraient représenter 30 % des députés après le scrutin. » (Résultat : 107 femmes ont été élues, soit 18,54 % de l’Assemblée, ndlr) « Et on se réjouit ? Peut-on se réjouir quand elles ne sont que 3/10 à être promues dans des circonscriptions gagnables ? Je ne le pense pas. On entend ici et là certains partis se féliciter de l’élection à venir de quelques candidats de la diversité. Certes, ce serait un grand pas, mais parce qu’on part de zéro. Trop souvent, ces candidats sont eux-mêmes des apparatchiks », explique-t-elle, en dénonçant une diversité alibi : « Cela ne sert à rien si la diversité n’est pas d’abord intellectuelle. Nous ne voulons pas de diversité de façade. La question raciale ne nous fait pas oublier la question sociale, qui est pour nous le véritable enjeu de cette démocratie. Où sont ces Français des quartiers et de la ruralité ? Où sont les jeunes ? Où sont les personnes en situation de handicap ? Je voterai blanc tant que je ne pourrai pas voter noir, voter femme, voter jeune, voter populaire ».
Ousmane Timera, membre du collectif, rappelle toute la symbolique de la place de la Concorde, là où on décapita un roi lorsque l’injustice n’était plus supportable : « Aujourd’hui, nous sommes sur cette même place, car face au rejet, au racisme, nous répondons par un chant du peuple. Notre rassemblement est métissé, français, universel, mais certains voudraient nous taxer de communautarisme. Selon moi, ce pays n’a pas pour problème l’étranger et sa différence, mais plutôt son incapacité d’imaginer le futur. Nous sommes le peuple, et nous ne connaissons pas l’impossible. L’avenir est à nous ».
Voilà donc célébrée la naissance du collectif des 577. Un collectif qui n’entend pas en rester là : une mobilisation aura lieu chaque année durant ce nouveau quinquennat. Pour rappeler au pouvoir ses engagements et ses promesses. Pour continuer sans cesse de réclamer une unité nourrie de diversité, pour refuser l’endogamie sociale de l’Assemblée, pour prôner davantage de représentativité. L’idée n’est pas de se transformer en un parti politique, mais de mettre en branle un mouvement, comme l’explique Ousmane : « Nous n’entendons pas nous interdire à titre individuel de briguer des mandats, au contraire. Mais collectivement, ce n’est pas ce que nous visons ». En ligne de mire, c’est plutôt une prise de conscience : « Face au discours de rejet qui pullule comme un cancer sur le corps social français, il faut répondre par l’idée de partage. Il n’y a aucune issue dans la division du pays, dans les idées de l’extrême droite. L’extrême droite n’est pas juste un parti, il s’agit d’une vision, d’un projet de société. Face à cela, nous réclamons l’union, l’unité, nourrie de notre diversité ».
Même si le tournant à gauche de la présidence et du gouvernement permet de respirer, d’envisager l’avenir plus sereinement, le collectif ne veut pas baisser les armes. Il affirme que la citoyenneté, c’est d’abord et avant tout la vigilance : « C’est une erreur de penser que la démocratie consiste juste à voter une fois tous les cinq ans pour un Président et une Assemblée, pour ensuite aller dormir. La démocratie est une action quotidienne de réflexion, d’éducation, de partage. En quoi les moyens du pays seront mis au service de chacun ? Nous ne jugerons l’action de l’actuel gouvernement qu’à l’aune de ce critère », termine Ousmane.


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Axiom, rappeur engagé et fondateur de l’association Norside, était présent lui aussi à ce rassemblement : « Ce type d’initiative parle de représentativité, et cela fait partie des droits civiques français. Depuis longtemps, je défends l’idée que nous sommes bien dans une lutte de droits civiques en France, concernant ce qu’on appelle la diversité, et toutes les minorités, pas uniquement de couleur. Il est donc normal que je sois présent pour soutenir l’initiative ». Face aux résultats des dernières législatives, il pose un constat pragmatique : « Nous sommes obligés de constater que les listes portées par le PS concernant la diversité sont plus efficaces que les listes en dehors du PS, listes autonomes inclues. Il faut en tirer les leçons. Cela dit, on reste dans une aberration de la République sur la question de la représentativité. Tout le malaise s’exprime par le biais d’initiatives qui consistent à laisser telle circonscription à telle personne parce qu’elle est issue de la diversité, avec les conflits que cela impose. Une femme et un Noir sont issus de la diversité, alors à qui cède-t-on la place en priorité ? On en arrive à des situations casse-tête car finalement, le terme même de diversité, de minorité, est problématique avec l’idée de l’universalisme républicain. On nage en pleine schizophrénie ».
Malgré cela, passer de zéro à dix candidats issus de la diversité sur les listes PS est un pas en avant, à saluer. Pour Axiom, il était temps : « Encore heureux que le PS l’ait fait, parce que Sarkozy avait pris les devants, en nommant ses ministres, Dati, Amara, Yade… Ça a créé un sérieux malaise chez tous les gens de gauche. Il faut que la gauche continue dans ce sens. Elle l’emporte sur tous les suffrages, et au-delà de la diversité, elle doit faire preuve d’un renouvellement de génération ».

Presse & Cité était aussi présente, profitant de l’événement pour diffuser sa nouvelle formule de magazine papier. Erwan Ruty, cofondateur, explique pourquoi la démarche du collectif l’a séduit : « Ousmane et Bocar représentent typiquement une nouvelle génération d’acteurs engagés, jeunes et pragmatiques. J’apprécie cela, par rapport à des vieux de la vieille qui ont émergé à l’époque de la marche de beurs, avec des démarches beaucoup plus politiques et radicales. Non pas qu’Ousmane et Bocar ne soient pas radicaux, mais je sens chez eux une grande ouverture d’esprit et une souplesse. Ils ne se perdent pas en débats idéologiques sans fin, ils sont davantage tournés vers le grand public ».


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