Le chanteur kabyle Idir, pilier de la culture kabyle et amazighe, est mort le 2 mai 2020. Dans ce texte Célia Sadaï, française d’origine kabyle, lui rend hommage.
Le premier album d’Idir, A vava inouva, sort en 1976. Le morceau du même nom A vava inouva fait rapidement le tour du monde : une première pour un artiste algérien ! Moi, je suis née en 1980, dans un foyer joyeux, mais où la mélancolie de l’exil venait parfois s’inviter. Tout se passait à travers la musique : Slimane Azem, Matoub Lounès, Lounis Aït Menguellet. Et puis Idir.
Un membre de la famille
Idir et sa voix si douce, sa voix de conteur. Mes parents ne connaissaient pas les berceuses françaises. Pour nous endormir, ils nous chantaient Ssendu. Pour nous réveiller aussi, ils chantaient. Ils chantaient toujours, mes parents. Les morceaux joyeux, c’était Azwaw, Cteduyi. Et puis surtout Zwit Rwit, numéro 1 des mariages kabyles, notre rock n’ roll à nous !
Le sociologue Pierre Bourdieu a dit, à propos de Idir : « Ce n’est pas un chanteur comme les autres. C’est un membre de chaque famille. » Pour moi, perdre Idir, c’est un peu comme de perdre mon père une seconde fois.
Un passeur de kabyle
Idir savait créer des collaborations avec des artistes très différents. Idir, c’est celui qui a fait chanter en kabyle des chanteurs français comme Bernard Lavilliers, Francis Cabrel, Tryo, Grand Corps Malade, Manu Chao ou Oxmo Puccino, et même Charles Aznavour, sur une reprise de La Bohème ! Idir, c’était un passeur de la langue kabyle, une langue qui se perd à cause du gouvernement algérien qui veut que tout le pays parle arabe. Celui qui a essaimé des petits bouts de Kabylie à travers le monde.
Un féministe et un « moderne »
Et puis, comme le dit ma mère : Idir, il était féministe. Je réécoute Lettre à ma fille, un morceau qu’il dédie à sa fille Thanina : « Tu sais ma fille, chez nous, il y a des choses qu’on ne se dit pas. » Ce texte d’une grande pudeur est une invitation à réinventer librement les traditions : modernité, c’est un mot qui lui va bien.