Le court-métrage Ici s’achève le monde connu réalisé par Anne-Sophie Nanki fait partie de la liste des films de fictions pré-sélectionnés dans la catégorie “meilleur court-métrage” pour les Césars 2024. Le film nous plonge dans l’après-guerre franco-caraïbes au cœur du XVII siècle soldé par la défaite des Amérindiens.
1645, en Guadeloupe, les guerres franco-caraïbes font rage. Dans une forêt, on entend les hurlements d’Ibátali dans la forêt, son bébé est sur le point d’arriver. Olaudah, un marron s’approche d’elle, comme une doula, il met la femme dans la bonne position, l’aidant à s’extirper de la douleur. Au milieu de cette forêt, ils ne sont que deux et ils échappent tous deux au même ennemi. En quête du même objectif, la liberté, ils décident d’avancer ensemble surtout qu’Ibátali semble savoir où se rendre.
Le film illustre la lutte historique des Kalinagos alliés aux Africains réduits en esclavage, contre les oppresseurs européens. La couleur des vêtements choisis pour les personnages laisse présager leur provenance, leur identité et le destin funeste de l’enfant Le marron porte des haillons qui témoignent de sa marginalité. Le bébé est recouvert d’un tissu rouge. Ibátali porte une cape, couleur bleu roi. L’ensemble de ses vêtements abordent la couleur du drapeau français bleu, blanc et rouge. Lorsque la tête blanche du bébé de Ibátali sort, le marron est pris de panique et il comprend de suite ce qui les attend. Elle vient d’accoucher du bébé conçu avec son maître.
L’amérindienne montre tout le long une ambivalence entre sa quête de liberté et la relation avec son maître. Elle appelle son bébé Pierre comme son maître, la même personne qu’elle fuit pour retrouver la liberté. Cette appellation symbolise l’espoir de positionner son fils dans le camp des dominants.
Dans le film, la liberté passe par un changement de paysages. La forêt laisse place à une image fixe sur le ciel bleu, le soleil et la mer. La forêt qui est une représentation de moment difficile et une vision obscure. L’émancipation passe également par le fait de s’affranchir de ses vêtements. Ibátali fait traîner sa cape royale sur le sable pendant quelques mètres avant de la laisser tomber. Son corps reste debout inerte avant de s’écrouler. Ses émotions retombent et elle ne fait que pleurer. La caméra s’attarde sur son corps et devient les yeux d’Olaudah qu’elle regarde prier devant le tissu rouge que portait son enfant. Comme des acteurs qui quittent leur rôle, Ibátali et Olaudah abandonnent les vêtements qui définissent leur statut. Ils peuvent enfin devenir eux-même. On sent que le chemin de reconquête de soi va prendre du temps, mais ils pourront planter les graines du collier du marron pour se reconstruire.
Arcadius Sita