Il était une… foi

De David Diomande

Parce que ce qui ne tue pas rend plus fort…
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À quoi bon écrire ses mémoires à seulement trente-six ans si tout est sans aspérité ?
De prime abord, on s’attend, dans le cadre de cette autobiographie, à une success story : un journaliste et animateur radio et télévision qui se retrouve un peu par hasard dans le paysage audiovisuel caribéen puis métropolitain, d’abord à RCI, ATV puis RFO et France 2, et qui effectue précocement un parcours sans faute… Il s’agit effectivement du récit d’un parcours déjà bien rempli pour ce géant afro-antillais âgé de 36 ans, qui débuta sa carrière très jeune et avec beaucoup de talent. Talent qui rime ici avec admiration et émerveillement, qualités qui lui donnent ce feu sacré sans cesse entretenu : là où certains deviennent blasés et considèrent leurs confrères et leurs sujets (acteurs, chanteurs, écrivains, personnalités politiques, etc…) comme une routine, David Diomandé n’a de cesse de citer des noms et autant d’anecdotes multiples, de remercier celles et ceux qu’il a pu croiser, amis d’un jour ou de toujours placés sur son parcours comme autant de compagnons de fortune… et d’infortune. En narrateur méticuleux, Diomandé détaille par le menu, de manière exhaustive – Drucker, son préfacier, salue notamment sa mémoire d’éléphant – chaque pas, chaque rencontre qui a compté dans sa carrière télévisuelle et journalistique, autant d’hommages qui nous rendent ce personnage aussi attachant que chaleureux.
Parce que le métier de journaliste ne peut se faire qu’avec les autres, le narrateur, pour notre plus grand plaisir, nous fait visiter sa galerie d’artistes qui ont peuplé le paysage audiovisuel antillais voire même mondial dans les années 1990, dans le désordre et parmi les identités remarquables : Jacob Desvarieux, Jocelyn Beroard, Patrick Saint-Eloi, Marie-José Alie, Lord Kossity (« dans ma Benz benz benz »…) qui avant d’être le rappeur que l’on connaît était animateur TV, Jean-Michel Rotin, Tanya Saint-Val, Claudy Siar, Malavoi, Calixthe Beyala, Michel Drucker, Arlette Chabot, Gérard Mélin, Max Elizé, Jean-Claude Zié Mé, Vincent Placoly, Suzanne Dracius, Albè Ti Sirè, Guy Deslauriers, Euzhan Palcy, Robert Redford et même Madame de Fontenay… À l’heure de Facebook, un vrai réseau avec des milliers d’amis people auquel il faut ajouter certains piliers, à l’instar de Jérémy Edouard, son « frère » dans la profession et sa femme, sa déesse, Alexandra, animatrice comme lui et rencontrée sur un plateau de télévision… Du beau, du glamour, ils s’aiment, ils se marient, ils rêvent des Etats-Unis, d’Hollywood, de la Californie…
Mais en milieu de récit, comme dans un film catastrophe, au beau milieu de ce bonheur sans tâches d’ombre, la vie de notre héros bascule : rentré en Métropole dont il est originaire et débarqué du PAF, les malheurs s’enchaînent, se ressemblent et se contaminent dans une incroyable succession de malédictions…
Diomandé passera en effet près d’une décennie de sa vie à se battre contre un enchaînement d’ennuis dans une dimension presque surréaliste : alors qu’il ne retrouve pas de travail dans son domaine professionnel, il se fait embaucher par un jeune oncle dont il ne sait pas encore qu’il est « le Diable en personne », qui peut « revêtir bien des formes, y compris celle d’un homme rondouillard et rassurant, mais terriblement machiavélique » (p. 202-203), comme gérant d’une entreprise dédiée au dépannage d’urgence. Au fond, il ne sera qu’un alibi pour détourner des fonds et escroquer des particuliers et qui n’aura par la suite d’autre choix qu’éponger les dettes d’un escroc qui aura bien évidemment disparu de la circulation le moment venu. La vie à Paris ne sera plus que Tribunal de Grande Instance, saisies et parce qu’un malheur n’arrive jamais seul, survient la maladie : notre narrateur, affaibli par tant d’injustices, déclare un beau jour un diabète sévère et manque de perdre une jambe, la vue et même l’usage de ses reins… Les séjours à l’hôpital et les tribunaux sont devenus son lot quotidien et le seul oasis où il s’abreuve au milieu de cette traversée du désert est l’amour inconditionnel qu’il voue à sa femme, qui affiche un courage exemplaire en vue de préserver au mieux de tout cela leur petite fille, le fruit de leur amour… Cette autobiographie est la preuve que le Destin finit toujours par se fatiguer du courage et de la résistance de ses victimes. Allez, pour finir et vous donner définitivement envie d’aller à la rencontre du vaillant et sémillant David Diomandé que je ne connais pas mais à qui je souhaite, en frère de galère, bon vent, voici quelques lignes qui en disent long sur son courage et sa détermination : « Jamais l’amour ne fut aussi présent et aussi fort, fusionnel autant qu’indestructible. Au-delà de l’épreuve, par-delà ses traces indélébiles, demeurent des rencontres mémorables, des instants magiques, mais également de grandes victoires sur l’adversité, l’impécuniosité, la fatalité et la maladie, dont je ressens aujourd’hui le besoin de parler humblement, histoire de dire à ceux qui comme moi, ont la foi de quelque manière que ce soit, que Dieu ne ferme jamais une porte sans entrouvrir une fenêtre.«  (p. 338).

///Article N° : 8771

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