Avec Intra-muros (Greenstone/Modulor) le rappeur Kohndo signe un quatrième albumintrospectif, d’une plus grande noirceur que les autres. Immigration, prison, montée des extrêmes se font l’écho d’une époque de plus en plus désenchantée…
Si cette figure de la scène rap indépendante française depuis les années 90 est respectée par ses pairs, notamment par son travail avec le groupe mythique la Cliqua, Kohndo a toujours sorti ses projets avec son propre label Greenstone, et à la sueur de son front: « Une maison de disque n’a jamais mis un kopek sur moi ! Je suis le mec qui arrive en tongue quand les autres sont en crampons ! » Ça ne l’empêche pas d’envoyer du lourd avec Intramuros. Un album aux instrus pêchues entre boom bap(1) à l’ancienne et le son trapxsw d’aujourd’hui, dans lequel il convie des artistes de sa génération, Oxmo Puccino, et de la nouvelle, Nekfeu et A2H. « Qu’est-ce qui nous cloisonne ? » se demande Kohndo dans cet opus beaucoup moins festif que le précédent Soul inside enregistré en 2011. « Ce n’est pas parce qu’on est à l’extérieur qu’on n’est pas en prison ? C’est nous entre les murs de nous-mêmes, de nos têtes, de nos villes et parfois entre les murs d’une prison. », raconte celui qui a fait des interventions pendant huit ans en milieu carcéral Poissy, où il a monté un studio d’enregistrement, à Fresnes ou encore à Bois d’Arcy : « C’est une autre façon d’appréhender le temps, la discipline, la musique. Ce sont des gens en repentance, en réflexion sur leurs actes. Je ne me pose pas en censeur. Finalement est-ce qu’on n’est pas tous à deux doigts de craquer ? J’en ai revu qui sont sortis et m’ont dit que ça leur a fait beaucoup de bien. »
Dans « Demain le jour » ce sont nos égoïsmes occidentaux que Kohndo, originaire du Bénin, met en exergue: « On ne peut se contenter d’être dans son petit train-train et son petit confort. J’ai un demi-frère et une demi-soeur qui ne sont pas nés du bon côté de la frontière et galèrent. Il y a une affaire de destin. » Le refrain dit: « Quels que soient nos problèmes, quelles que soient nos souffrances, on va traverser des périodes sombres. Mais gardons toujours à l’esprit que demain le jour se lèvera. »
Le jour ne se lèvera pas forcément sur des lendemains qui chantent. Dans le viseur de Kohndo, l’actualité mortifère des attentats et de la montée du Front National : « Après les attentats du 7 janvier et du 13 novembre on ne peut plus avoir un regard naïf sur le monde. Je suis inquiet pour l’avenir de ma fille. Le Front national a fait un de ses meilleurs scores et ne cesse de progresser. » Le troisième couplet d’« Un gun sur la tempe » traduit ce malaise contemporain : « Les gens se flinguent à la pelle, perdent le nord et votent pour Le Pen. Les usines ferment à la pelle. En province de Lille à Marseille. Je marche au bord de la Seine avec les idées malsaines. »
(1) ONOMA TOPÉE QUI CORRESPOND AU STYLE DE PRO –
DUCTION HIP-HOP DES ANNÉES 80-90 C ARACTÉRISÉE
PAR UN BREAK DE BA TTERIEEn concert le 4 février à la Favela chic Paris 11e
Plus d’infos: https://kohndo.bandcamp.com////Article N° : 13385