La soif des oasis

De Dominique Aguessy

" Pourvu que le cœur soit ouvert "
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L’oasis est sans doute le lieu de l’eau et de la verdure, peut-être un paradis dans le désert. Mais qui sait ce qui se passe alentour ? Connaît-on l’histoire de ce lieu, les rêves et l’imaginaire autour de l’eau et de son manque pour les humains qui vivent là, des voyageurs ou nomades ? Ici, les déserts intérieurs ont besoin d’eau vive pour se renouveler.
Ce quatrième recueil (1) de Dominique Aguessy, La soif des oasis, nous invite donc à l’écoute et au voyage par le désert et par la mer, par la lumière qui persiste, flamboyante comme l’horizon ou fragile, éclairant les gestes quotidiens. Et c’est de l’Afrique que parle la poète, de ces haines fratricides, de la migration d’humains en détresse, du rejet de l’autre, des êtres démunis. Peut-être ces paysages brouillés et ombrageux, par-dessus lesquels brille un soleil de plomb, tracent-ils une cartographie de l’humaine condition, errance et exil, ici et maintenant. La quête de l’insaisissable et de l’inespéré sourd à travers la poésie de Dominique Aguessy. Tout se passe comme si, à chaque halte, au cœur du voyage sans fin, quelque chose devait arriver. Voilà pourquoi la poète reste à l’écoute, dans ce monde en mouvement où tout n’est pas que violence, puisque l’amour y résiste à tout vent. Dans cet univers aux chemins si multiples et jamais les mêmes, comme dans un monde héraclitéen (2).

Ce recueil comporte sept moments, comme les sept jours de la semaine. Et chacun d’eux possède ses temps forts, ses joies et ses angoisses. C’est le paysage du Rift qui ouvre le recueil. Là, meurt la vie défigurée et  » les corps de ciment/disputent l’espace/aux survivants  » (p.12). Là,  » Terre obscurcie de haine/livrée aux bourreaux sans loi/les allées résonnent de faux salam/les obus fracassent de vraies maisons  » (p.13). La poète prend du recul par rapport à cette  » obscurité  » qui couvre en partie  » la Terre des désastres  » (p.14) qu’est l’Afrique où tout est vendable à merci pendant que règne l’impunité. Les mots de la poète gagnent en précision quand elle parle des maux qui minent le continent. Car là où  » Il pleut du plomb « , ce sont les merles qui sifflent, s’égosillent, puis se taisent. On imagine aisément que les humains n’ont plus de voix ; étouffés par toutes sortes de violences, ils n’ont plus dans les yeux que la  » couleur du départ  » (p.17). Et l’exil n’est pas loin quand ravagent le feu de la haine et celui des obus la terre où chacun aurait pu vivre tranquille, suivre son propre chemin et faire entendre sa propre voix. L’émigration est cet effacement du paysage, cette écorchure de la peau, ce devenir déchet et ombre recyclable à merci. Et c’est la langue et la culture et l’estime de soi qui se trouvent malmenées au bord de ce chemin qui mène à l’abîme, or  » mieux vaut vivre sa vie/que de tenter de brûler la mer  » (p.25).

Dominique Aguessy nous donne à entendre une poésie de l’éveil et de la prise de conscience. Poésie attentive aux détails, à la fragilité des choses et des êtres, à l’alternance du bien et du mal, à la beauté de la nature, à la force des éléments parmi lesquels voyage la poète, les sens à l’écoute et le cœur ouvert. La soif des oasis est une parole d’aube,  » entre l’invisible et le révélé « , délicate comme  » la fleur d’amour/qui s’épanouit/en toute saison de la vie  » (p.77).

1. Le cinquième recueil, Tant de chemins ouverts, vient de paraître chez le même éditeur, en mars 2010.
2. Le nom d’Héraclite est évoqué dans un court poème,  » Entre deux averses « ,p.69.
Dominique Aguessy, La soif des oasis, Préface de Sylvestre Clancier, Paris, éditions du Cygne, 2008, 84 pages.///Article N° : 9533

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