Depuis douze ans, ce réseau de diffusion itinérante de films africains parcourt des chemins escarpés pour aller à la rencontre des habitants des villages, contribuer à former et à fidéliser un public pour les salles de cinéma. Il gère quinze unités de projections au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, en France, au Mali, au Niger, au Sénégal et au Togo. À l’occasion du Fespaco 2013, le CNA organise cinq jours de projections-débats pour revisiter les classiques du cinéma africain qui ont connu un succès populaire.
Le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) constitue un moment important pour le Cinéma Numérique Ambulant (CNA) qui, depuis sa création en 2001, prend part aux manifestations culturelles d’envergure en Afrique et en Europe à travers diverses activités. Pour la cinquième fois consécutive, le CNA participe au Fespaco du 23 février au 2 mars 2013.
Pour cette 23e édition, le CNA initie, en partenariat avec le festival, le projet Fespaco classique. Il s’agit d’organiser des soirées de projection-débat autour de cinq « classiques » du patrimoine africain (Yaaba, Quartier Mozart, Tasuma, le feu, Gito l’ingrat) qui ont connu du succès lors des projections dans les villages. Le débat est animé par les réalisateurs et acteurs des films qui parlent du contexte de leur création, des critiques de cinéma qui analysent les films projetés par rapport à d’autres du même genre et des animatrices du CNA qui témoignent de l’accueil de ces films dans les villages. Le but étant de mettre ensemble divers types de connaissances sur la réception des films.
Une soirée est consacrée au documentaire féminin, en accord avec l’engagement du CNA en faveur de la diffusion du documentaire de création auprès des populations. Jean-Marie Barbe, responsable des formations du programme Africadoc, partenaire de cette soirée, affirme qu’il y a aujourd’hui beaucoup de femmes qui se lancent dans le documentaire en Afrique : « c’est une donne particulière dans le monde, peut-être parce que la fiction est envahie par les hommes et que le documentaire est ouvert et peut se faire avec des outils très légers ». Il s’agit donc de mettre en lumière le travail de ces femmes qui, si elles sont nombreuses, restent méconnues.
Le Cinéma Numérique Ambulant est un réseau d’associations installées dans huit pays. Il a pour activité principale la diffusion du cinéma africain en milieu rural et dans des quartiers défavorisés en milieu urbain en Afrique.
Le premier CNA a été créé au Bénin en 2001. Fort du succès de l’initiative, le CNA s’est installé au Niger en 2003 et au Mali en 2004 dans le cadre d’un projet de l’Union européenne après des requêtes des ministères de la Culture du Bénin, Niger et Mali et soutenu par le CNC français, l’OIF, TV5 et RFI. En 2007, aidé par la Coopération suisse et CFI, il s’est installé au Burkina Faso. Entre 2011 et 2012, dans le cadre du programme « Investir dans les ressources humaines » de l’Union Européenne, trois nouvelles associations ont vu le jour au Sénégal, au Togo et au Cameroun.
En 2013, le CNA devrait s’installer à Madagascar et en Tunisie dans le cadre d’un partenariat avec la fondation Orange. Premier pas vers un pôle CNA Maghreb et un pôle CNA Afrique de l’Est. Le CNA ambitionne également d’étendre son pôle Afrique de l’Ouest à la Côte d’Ivoire et Guinée Conakry, et de renforcer son pôle Afrique centrale en s’installant au Tchad, au Congo Brazzaville et en Centrafrique, des pays d’où émane une forte demande.
Les premières réunions du réseau des CNA se sont tenues à Ouagadougou, à l’occasion des Fespaco 2005 et 2007. Les liens formés entre les équipes ont constitué un cadre informel d’échanges et de résolution des problèmes grâce à la diversité des expériences locales. Ces échanges, favorisés par la croissance des activités du CNA et des attentes de ses partenaires ont donné lieu à des réunions de l’ensemble des responsables des CNA qui, en juin 2007, ont adopté une charte commune en 2008 à Natitingou au Bénin.
Le Cinéma Numérique Ambulant Afrique est le résultat d’une mutualisation des forces de l’ensemble des CNA, dans un souci de pérennisation de ses activités et de dynamisation de son réseau. Soutenu par Africalia Belgique, l’Union Européenne, la région Île de France et la fondation Renault, il a pour objectif de renforcer et développer le réseau CNA. Ses missions sont d’harmoniser les pratiques financières, de gérer les droits des films, de piloter la politique de formation des salariés, d’appuyer techniquement et financièrement les associations CNA et d’installer des CNA dans de nouvelles régions. Son siège se trouve à Ouagadougou, la « capitale » des cinémas d’Afrique.
Le prochain conseil d’administration du CNA Afrique, qui se tient en février à Ouagadougou, en marge du Fespaco, s’ouvre à des personnalités africaines de la culture et aux directions nationales de la cinématographie des pays où le CNA est installé, à travers leur représentant. Le CNA souhaite travailler en étroite collaboration avec ces administrations. Ses responsables sont d’ailleurs membres des conseils d’administration des centres nationaux de la cinématographie au Niger et au Mali et participent à la politique cinématographique de ces pays.
Le CNA compte 50 salariés qui se rencontrent tous les deux ans au Burkina Faso, à l’occasion du Fespaco. Il gère quinze unités de projection dans huit pays et réalise chaque année près de 1 200 projections cinématographiques. Une unité de projection est constituée d’une équipe (animatrice, technicien-projectionniste, chauffeur), du matériel et d’un véhicule tout-terrain.
La création du Cinéma Numérique Ambulant est née d’un constat simple : la production cinématographique africaine n’est presque pas vue par les populations africaines auxquels elle est premièrement destinée. Dans nombre de pays, les salles de cinéma ont progressivement fermé. Celles qui existent encore ne sont pas accessibles aux personnes ne disposant pas de moyens nécessaires. Le CNA a donc mis à profit la légèreté du numérique pour apporter des films du patrimoine africain dans les régions où le cinéma n’existe pas ou très peu. « Les cinéastes africains (
) désirent avant tout rencontrer le public africain », dit la monteuse Andrée Davanture, citée par Olivier Barlet (Les cinémas d’Afrique des années 2000, L’Harmattan, 2012). Le Cinéma Numérique Ambulant a rendu possible cette rencontre. Des hommes, des femmes et des enfants d’un même village/quartier partagent la même émotion, pendant une soirée. Une expérience collective sur un lieu, la place du village, qui devient un vecteur de vie culturelle.
La rencontre des cultures est une donnée contemporaine positive. Mais le dialogue suppose d’avoir sa propre parole. Avec le cinéma africain, le CNA offre une alternative à l’uniformisation culturelle. « Pour assurer le rôle majeur dans le processus de développement, la culture devait être populaire », écrit Alexie Tcheuyap dans son essai Le cinéma post-nationaliste africain (Presse universitaires de Manchester, 2011). Le CNA assure cette démocratisation. Sa devise, « le cinéma pour tous, le cinéma partout », en est le témoin. Lorsque cela s’avère nécessaire, les animatrices du CNA traduisent le film en langue locale ou en français, de façon simultanée à la projection, pour davantage rapprocher le public de l’uvre.
Pour que son action s’inscrive dans une continuité d’animation socioculturelle, le CNA organise des tournées « 10 x 10 villages ». Un circuit de dix villages est identifié et le CNA organise, dans chacun de ces villages, dix soirées de projections. Pendant six mois, le CNA revient dans un village toutes les deux semaines, avec une programmation différente. Le fait d’aller dix fois dans le même village permet une rencontre véritable avec le public. Mais surtout de former le public à l’image, à la réception du cinéma africain et de créer l’émulation autour des arts contemporains. Au-delà des tournées du CNA, cette émulation se poursuit à travers des actions d’associations locales.
Les films sont projetés en plein air sur grand écran, dans les conditions de confort de son et d’image d’une salle de cinéma. Les séances sont non payantes. Cependant, les villages contribuent à l’organisation des soirées de projection, ce qui permet de les impliquer davantage car le CNA est un projet communautaire que les populations s’approprient.
La production d’une uvre cinématographique met en jeu le travail de plusieurs artistes (réalisateurs, acteurs, scénaristes, monteurs, décorateurs, musiciens
) et il est légitime que ce labeur soit rétribué. Le Cinéma Numérique Ambulant est contre le piratage des uvres et pour le paiement du droit d’auteur. Affilié aux bureaux de gestion de ces droits, le CNA Afrique paie, en outre, chaque année, les droits d’exploitation de plusieurs films choisis pour être diffusés par les CNA.
Au Fespaco 2011, le CNA a organisé une table ronde sur le thème « La place des cinémas itinérants dans l’économie cinématographique africaine ; réflexion sur le modèle économique du CNA et sur les modalités de rémunération des ayants droit ». Les résultats de cette table-ronde qui réunissait des professionnels du cinéma ont été rendus au festival de Cannes, en mai 2012. Ils sont consignés sur une plaquette, consultable en ligne sur le site du CNA. À la suite de cette rencontre, le CNA Afrique met en place, au Fespaco 2013, une commission des ayants droit constituée des professionnels du cinéma (réalisateurs, producteurs, exploitants, distributeurs, responsables de bureaux de droits d’auteur, représentants de directions nationales de la cinématographie
) Cette commission a pour objectif d’aider le CNA à améliorer sa politique de rémunération des ayants droit des films et d’inscrire davantage son modèle alternatif de diffusion dans l’économie cinématographique africaine.
Le fonds du CNA Afrique dédié à l’acquisition des films est alimenté par l’ensemble des CNA/pays, par un pourcentage prélevé sur leurs recettes propres. En général, le CNA acquiert les films après leur exploitation classique en salle et dans des festivals. Il contribue ainsi à donner une seconde vie à ces uvres-là. Il ne se substitue pas aux salles. Bien au contraire, il travaille à former et à fidéliser un public pour les salles, à maintenir vivante la pratique du cinéma en tant qu’action collective, par opposition au visionnage de film sur petit écran, sur un ordinateur ou sur un téléphone portable.
Le modèle économique du CNA est proche de celui de la télévision. Chaque soirée d’activité réunit un public qui varie entre 200 à 1000 personnes. Outil culturel, le CNA peut aussi être un instrument du développement social. Il travaille en collaboration avec des organisations villageoises et peut apporter des messages au plus profond des campagnes. Il favorise l’accès à l’information et à la culture. L’essentiel de ses recettes provient de la mise la disposition des premières parties des soirées de projection à des organisations uvrant pour le développement, l’éducation, la santé
dans le cadre de partenariats ou de prestations de service. Le CNA travaille aussi avec des entreprises commerciales.
Au cours de la soirée, le film de fiction peut être précédé de documents audiovisuels sur des thèmes aussi variés que la santé, l’éducation, la citoyenneté, l’environnement, le genre. La projection du film de sensibilisation est suivie d’une séance de causerie-débat-témoignage au cours de laquelle les spectateurs sont invités à réagir au thème du jour. Les réactions sont consignées dans des rapports quotidiens de projection. Cela permet aux partenaires du CNA d’avoir, de façon immédiate, des retours sur les messages qu’ils souhaitent faire passer. Pour concrétiser cette action, le CNA met en place une base de données commune. C’est un espace de stockage d’informations sur les projections qui, lancé au Fespaco 2013, sera ouvert à ses partenaires.
Depuis plusieurs années, le CNA a développé des activités connexes. Le projet Vidéo fada a été lancé en 2009 à Sikasso au Mali. Au cours des tournées « 10 x 10 villages », le CNA installe, pendant 15 jours, un atelier vidéo dans chaque village. Dix films courts, fictions et documentaires, sont réalisés avec la participation des habitants du village. Chaque film réalisé est projeté dans les dix villages et permet d’intensifier le travail d’éducation à l’image et d’implication des populations à la cinématographie. Le CNA Afrique a pour projet de mettre en place une équipe permanente de réalisation qui sera chargée d’organiser et d’animer les circuits Vidéo fada.
Le Studio photo Numérique Ambulant (SNA) a été créé en 2005 au Mali, à l’occasion des Rencontres photographiques de Bamako. Depuis, l’expérience a été renouvelée à l’occasion des rencontres culturelles en Afrique et en Europe. Le projet consiste à installer l’art photographique au cur des quartiers, décliné en des portraits, autoportraits et photo reportages. Dans le Studio, grâce au numérique, se créent des photos décalées et poétiques du public qui sont ensuite exposées et projetées le soir sur grand écran, dans une ambiance festive. Les portraits décalés questionnent et ouvrent la voie au rêve. Le reportage photographique raconte la vie du quartier et de ses habitants. En impliquant le public dans une réflexion sur la valorisation de l’image du quartier, le CNA l’invite à devenir photographe d’un instant pour s’emparer de sa propre image.
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Au Village CNA, situé au « Maquis », à la Cité An III à Ouagadougou
Lundi 25 février : 18 h 30-21 h 30
Thème : tradition/enfance
Yaaba d’Idrissa Ouédraogo (Burkina Faso, 1989, 90′)
Mardi 26 février : 18 h 30-21 h 30
Thème : comédie sociale
Quartier Mozart de Jean-Pierre Bekolo (Cameroun, 1992, 80′)
Mercredi 27 février : 18 h 30-21 h 30
Thème : colonisation
Tasuma, le feu de Daniel Kollo Sanou (Burkina Faso, 2004, 90′)
Jeudi 28 février : 18 h 30-21 h 30
Thème : immigration
Gito l’ingrat, Léonce Ngabo (Burundi, 1992, 90′)
Vendredi 1er mars : 18 h 30-21 h 30
Séance spéciale documentaires de femmes
Itchombi de Gentille M. Assih (Togo, 2010, 52′)
Le prix du sang de Elisabeth Anne Ngo Minka (Cameroun, 2010, 26′)
Conférence de presse le 25 février à 10 heures sur les activités du CNA au FESPACO et le lancement officiel de la base de données en ligne – un espace dédié au stockage d’informations sur les projections ouvert au public et aux partenaires du CNA.
Conférence de presse le 28 février à 15 heures de Africalia Belgium, partenaire du CNA Afrique.
Réunion de la Commission des ayants droit du CNA Afrique le 25 février. Constituée de professionnels du cinéma africain, elle a pour objectif d’aider le CNA à organiser la rémunération des ayants droit.
Réunion du Conseil d’administration du CNA Afrique le 24 février. Il s’ouvre à des personnalités de la société civile et culturelle africaine.
Studio-photo Numérique Ambulant tous les jours, pour créer des portraits décalés.
Vidéo Fada : lancement officiel d’une structure de production de courts-métrages destinée à aider les jeunes réalisateurs africains. Production d’un journal vidéo quotidien.
Le stand CNA : une exposition retrace l’histoire du CNA avec des photos, des articles et des cartes postales.
Café-concert tous les soirs.
La boutique CNA d’objets-souvenirs.
Buvette-restaurant sur place.
Projection du film Le Bebemya jazz le 28 février à 18 heures en partenariat avec Africalia dans le village de Sao, à 45 km au nord de Ouagadougou.
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